Si le jeu vidéo est devenu un produit banal dans le quotidien de nombreux utilisateurs, sa constitution, sa nature restent encore à être définies. Le JV, plus qu'un simple produit industriel ? Bien loin d'être un enjeu actuel de l'opinion publique, le média s'est juste imposé comme étant le loisir préféré des français. En l'espace de quelques années, le jeu vidéo est devenu incontournable dans le paysage des sociétés modernes. Parfois galvaudé ou moqué, taxé de média infantilisant, le jeu vidéo s'invite désormais en politique - il en fait parfois même à sa manière - et est devenu un acteur partisan de l'orientation de nombreux débats aux quatre coins du globe.
En parlant de débat, il en existe un qui n'a pas fini de faire baver les stylos plumes numériques et continue régulièrement de délier les langues. Le jeu vidéo est-il un Art ? Oui, à l'évocation de cette simple question, on sent le soulèvement des passions, les vagues d'arguments qui se démultiplient sur les rivages chaotiques du raisonnable, bref « Y'a comme qui dirait une petite odeur de trolololo ». Que ce soit chez les universitaires, les utilisateurs lambda ou même les spécialistes anonymes (ou illustrement incompris) les avis divergent.
Seal of Quality
Si l'Art est au service de la création, le jeu vidéo est lui pris entre deux feux. D'abord il a cette image d'un simple bien consommable et jetable. Un produit issu de l'industrie, dont la nature peut être dupliquée à l'infini, dont les mécanismes peuvent être reproduits d'un jeu à l'autre, ou singés pour en tirer les bénéfices ou la quintessence. Le gameplay est un outil qui véhicule l'idée de bon jeu. Dans les rayons des supermarchés peut être que les étiquettes n'existent pas encore, mais en tête de gondoles les éditeurs aiment savoir leurs derniers softs affublés d'un label rouge, c'est toujours plus simple pour en vendre un de plus que le voisin. Depuis l'industrie vibre parfois à chaque battement de cœur de Metacritic, mais ça c'est une autre histoire. La vocation mercantile des objets que l'on met au service de l'amusement des consommateurs dénature parfois le processus même de fabrication de ces objets.
Illustration de Jason Edmiston - Donkey Kong
Au diable la programmation d'une ligne de code élégante ou révolutionnaire qui changerait la vision des développeurs sur le média, la plastique parfois recherchée, l'esthétique pensée en conséquence, l'interaction homme / logiciel que peuvent produire certains softs ou la profondeur diabolique de certains jeux. Certains consomment le jeu vidéo comme ils consomment le savon et s'il y a parfois de mauvaises odeurs dans les transports en commun, c'est tout simplement parce que certains en consomment moins que les autres. Et l'Art dans tout ça ?
This is Sp « Art »ah !
Si c'est un enjeu pour une frange de personnes triées sur le volet, que le jeu vidéo soit reconnu en tant qu'Art, les choses pourraient changer. Annoncées en novembre dernier, des installations autour du jeu vidéo vont être réalisées dans les Galleries Philipp Johnson du MoMA à Manhattan. Le musée d'Art Moderne new-yorkais accueillera donc en son sein dès le 9 mars prochain 14 jeux pour les présenter au public. Associer Art Moderne et culture populaire, c'est une recette réformatrice ( ou formatrice ) d'un cocktail en devenir. Les joueurs en connaissent déjà le goût.
Pour les responsables de l'installation, il s'agit de « représenter les nouvelles orientations du design contemporain. L'exposition présente de remarquables exemples de conception d'interfaces et d'interactions, de visualisations dynamiques, des produits, des meubles, des chaises imprimées en 3D , et du Biodesign». Le MoMA projette d'augmenter significativement le nombre de ces jeux triés sur le volet pour les intégrer à l'installation.
Le jeu Journey sur Playstation 3
Ce sont ainsi 40 jeux qui sont pressentis pour orner les galeries. Les softs sont choisis suivant une méthodologie stricte, de ces méthodologies qui diront, à terme, ce qui est de l'art ou du cochon. L'équipe en charge argumente quant aux choix qui motivent la sélection « non seulement la qualité visuelle et l'expérience esthétique de chaque jeu entrent en compte. Mais d'autres éléments comme l'élégance du code de conception ou la portée du jeu sur le comportement du joueur, tendent à souligner l'importance de la conception de ces interactions. »
Avant que l'on parle de 7ème Art pour le cinéma il aura fallu attendre quelques années. Le même processus serait-il en marche pour le jeu vidéo ? Si oui, il est possible qu'un jour on ne se moque plus de vous quand vous parlerez d'eSport dans une simple conversation autour d'un pot avec les copains. Quoi, vous trouvez que ça sent le vécu ?
En attendant le 9 mars et l'ouverture de la galerie, voici les 14 jeux retenus pour habiller les murs du MoMA.
Pac-Man (1980)
Tetris (1984)
Un autre monde (1991)
Myst (1993)
SimCity 2000 (1994)
Vib-Ribbon (1999)
Les Sims (2000)
Katamari Damacy (2004)
EVE Online (2003)
Dwarf Fortress (2006)
Portal (2007)
flOw (2006)
Passage (2008)
Canabalt (2009)