Est-ce la fin ? - Le brasier de la guerre

La charrette avançait à un rythme lent, ses roues craquant sur le sol pierreux, secouant l’armature du véhicule en bois. Ils arrivèrent bientôt en vue de la cité, énorme, emmitouflés dans un manteau brumeux et grisâtre, parsemé d’usines et de tuyauteries par lesquelles s’échappaient ces nuages toxiques qui plombaient le ciel de Zaun*.

Le convoi entra dans la cité et se dirigea vers un coin précis de la ville. Après plusieurs dizaines de minutes, le groupe s’arrêta sur l’ordre de leur chef.

- C’est ici, déclara-t-elle.

Un bâtiment leur faisait face, étalé sur sa largeur comme un objet qui s’était écrasé au sol. Doté d’un toit en dôme de verre et de métal, il n’imposait pas par sa taille, mais par son gigantisme. Des tuyaux sortaient de toutes ses façades, des cheminées crachaient de la poussière noire, dans les fosses bouillonnait un liquide verdâtre dans lequel se déversait toute sorte de détritus.

La représentante du convoi gravit les quelques marches et frappa à la lourde porte en métal avec l’anneau qui y était fixé. Après quelques secondes, un grincement se fit retentir, et les portes s’entrouvrirent lentement. Il fallut une dizaine de secondes complètes avant qu’elle ne soit totalement ouverte et puisse permettre le passage au convoi.

Ils s’engouffrèrent dans le noir complet dans la salle, tandis que les portes se refermèrent derrière eux. Une fois dans le noir complet, ils patientèrent à peine quelques secondes avant qu’un petit individu bosselé n’apparaisse en se frottant les mains, une fiole brillant d’une couleur verte éclatante attachée autour du cou.

- Bien vous êtes là. Suivez-moi, suivez-moi, leur indiqua-t-il.

Se plaçant à sa suite, ils suivirent leur étrange guide jusqu’à une salle éclairée dans laquelle les attendait un homme vêtu d’une toge ayant subi les âpres du temps et de l’alchimie : brûlures et déchirures s’y mêlaient, ne laissant presque plus de surface pour distinguer son aspect original.

- Bleak*, enfin ! J’attendais impatiemment votre arrivée et celle de notre… Invité, s’exclama-t-il.

- Moi aussi Stanwick*, j’ai cru entendre que vous étiez capable de miracle, et Noxus tiens particulièrement à ce que nous réussissions.

- Bien entendu, bien entendu, répondit-il.

Il marqua une pause, puis reprit :

- Stanwick Pididly, se présenta-t-il en s’inclinant devant les soldats accompagnant Bleak. Appelez-moi Stan, mais seulement si vous êtes utiles, leur précisa-t-il.

Il s’approcha de la charrette et souleva la toile qui l’en recouvrait. Il eut un sifflement d’étonnement.

- Ah bah putain, on a de quoi faire. Bon au travail ! dit-il en saisissant une paire de couteaux, les aiguisant ensuite l’un contre l’autre.

Artwork de League of Legends

*

Deux Zauniens se faisaient face dans un couloir obscur. Des chandeliers pendaient par dizaines au plafond, mais seul un était allumé, tentant de gratter les ténèbres qui y régnaient. Leurs voix étaient faibles, presque indistinctes, il aurait fallu être proche de leurs lèvres pour pouvoir les entendre.

- Je viens de recevoir un communiqué du front Noxien. Ils ont reculé face à Demacia, après avoir détruit un pan entier de leur cité.

- Les deux titans ont enfin osé s’affronter…, commenta le deuxième homme.

- Et qu’en est-il du nôtre ?

- Du nôtre ?

- Ne serait-ce pas temps pour Zaun de briller et d’éteindre ce soleil ardent qu’est Piltover ?

- Nous avons déjà essayé, mais rien n’a réussi jusque lors.

- Nous avons essayé. Nous n’avons pas voulu réussir. L’accomplissement est possible, Noxus y est presque parvenu. Quand on veut, on peut, non ?

- Mais ils ont échoué !

- Nous ne sommes pas eux, réfuta-t-il. Nous avons des forces à notre disposition que personne ne soupçonne, même pas toi !

- Et leur mort-vivant ? Tu le soupçonnais toi ?

- Un cadavre bête et stupide qui s’arrête face à une femme ? Rien ne vaut quelque chose que l’on peut contrôler… Comme le viram, lâcha-t-il.

- Le viram ? Tu as réussi à le contrôler ?

- Silence, n’ébruite pas ce nom ! lui ordonna son interlocuteur. Écoute, il est possible d’écraser Piltover, Noxus a presque détruit la cité de la justice. Imagine, nous pourrions annihiler ces ingénieurs de pacotille, posséder leurs outils et leur savoir, et devenir les maîtres du futur de Valoran !

Le deuxième homme garda le silence un instant.

- Gardons ça secret pour le moment, dit-il, continue tes recherches et nous en parlerons à la hiérarchie de Zaun d’ici quelques semaines. D’ici là, continue de travailler sur tes recherches.

- Bien, déclara-t-il. Envoie-moi un billet dès que l’auditoire se fait.

Il quitta son interlocuteur et se dirigea vers l’autre extrémité du couloir, ses pas lourds et métalliques résonnant sur la pierre sale et glissante. Un instant, la lumière des torches l’attrapa et éclaira le tube de verre qu’il portait sur le dos. Un instant, il semblait que son contenu vert se mouvait à la lueur des flammes.