Cinq ans, il aura fallu attendre cinq ans avant de mettre la main sur le remake HD d'Okami. Annoncé durant la Gamescom 2012, Okami a d'entrée ramené tout un tas de souvenirs aux joueurs qui l'avaient fait sur PS2. Avec sa DA singulière, son histoire ancrée dans le Japon médiéval et ses personnages marquants, il a rapidement fait partie des jeux qui sont entrés dans la légende du monde du Jeu Vidéo. Et comme beaucoup de ces légendes, il n'a pas rencontré un immense succès commercial, sans doute à cause de ses particularités. Plus de 7 mois après la sortie de cette version HD sur PC, PS4 et Xbox One, la version Switch arrive enfin en ce début de mois d'août pour délivrer la première version portable du titre.
Once upon a time in Nippon
Okami en japonais signifie Grand Esprit ou Loup selon le kanji utilisé pour l'écrire. Le jeu prend place dans le Japon médiéval, le Nippon. Le village Kamiki vit sous le joug d'un dragon à huit têtes, Orochi. Celui-ci réclame régulièrement qu'on lui sacrifie une vierge sans quoi il rasera le village. Et tous les habitants se plient contre leur gré au rituel depuis des temps immémoriaux. Un jour, c'est la jeune Nami qui est demandée par Orochi mais son fiancé, Nagi, ne l'entend pas de cette oreille et décide de ne pas se laisser faire. Par ailleurs, depuis quelque temps, un loup blanc vadrouille autour du village sans attaquer personne, bien qu'il se fasse chasser régulièrement par les habitants. Personne ne sait trop ce que fait là celui que tout le monde a baptisé Shiranui. Le jour où Nagi, prenant son courage à deux mains, part affronter Orochi, il se prend une déculottée. Mais au moment où tout semblait perdu, Shiranui apparaît et attaque à son tour le dragon. Il l'affaiblit considérablement quand soudain, le guerrier Nagi retrouve une vigueur magique et tranche chacune des huit têtes du monstre, le laissant pour mort. Afin de protéger le village, les deux héros scellent la grotte où le combat a eu lieu et Nagi laisse son épée désormais légendaire pour empêcher qu'Orochi ne revienne un jour. Seulement comme partout et depuis toujours, les hommes ont la mémoire courte. Et voilà qu'une centaine d'années plus tard, un certain Susano, soit-disant descendant de Nagi et plus valeureux guerrier du Nippon auto-proclamé, décide de récupérer l'épée pour son compte. Il libère par la même Orochi qui revient étendre son emprise maléfique sur le Monde. Sakuya, esprit protecteur du village apparaît alors et, de la statue qui avait été érigée pour l'honorer, appelle à l'aide Amaterasu la déesse du soleil qui se réincarne en Shiranui. Elle le conjure de lever le maléfice qui recouvre le pays. Le Loup Blanc, accompagné de "la puce" Issun (sorte de Gemini Cricket à la langue bien pendue), part alors sauver le Nippon des ténèbres et des démons.
Vous allez me dire "Mais pourquoi nous raconter toute l'introduction du jeu ? N'est-ce pas nous gâcher le plaisir de la découverte ?" Non. Nooon. Ooooh non ! De l'histoire des jeux vidéo, on a rarement vu une intro si longue. Je ne saurais dire combien de temps exactement elle dure (je me refuse à revivre ce calvaire ne serait-ce que pour le chronométrer) mais cela a semblé sans fin. "Mais laisse moi la main, satané jeu !" En toute humilité, je vous invite à lire le texte ci-dessus, vous gagnerez un temps précieux. En gros le planning c'est 1. vous lancez le jeu, 2. vous lisez ce test et 3. vous allez faire une balade/un gueuleton/un jogging/un cours de poney en attendant de récupérer la direction des opérations. Parce qu'après…
Un atemi en pleine carotide
Après, c'est la grande claque dans la gueule. Veuillez me pardonner ce langage châtié mais il y a des moments où l'on met son éducation de côté. Dieu que c'est beau ! Okami n'est pas beau, il est sublime. Les graphismes en cel-shading vous sautent au visage l'air de dire "t'en veux de la direction artistique léchée ?!" C'est fluide, c'est chatoyant, il n'y a rien à redire, juste à admirer le boulot. Déjà que l'original dépotait, mais en HD, c'est l'effet wahou assuré. Il nous est arrivé d'arrêter de jouer juste pour regarder tomber en fine pluie les pétales d'un cerisier-fleur. Tellement cliché mais tellement beau. Le scénario se base sur plusieurs histoires et légendes du folklore japonais. Il en ressort un univers onirique, bourré de charme. Tout est pensé comme un livre vivant. Par exemple, de nombreuses parties sont ouvertes par un parchemin qui s'ouvre. Ou lorsque Amaterasu fait une "bonne action" (nourrir des animaux, faire pousser un arbre, etc.), elle reçoit des Sphères de bonheur. On voit alors des lanternes contenant des kanjis qui s'envolent en tourbillonnant jusqu'à elle. Le jeu mêle habilement les codes du jeu d'aventure avec ceux d'un récit. Il existe de vrais liens entre image et écrit dans Okami.
Vous vous en doutez, une telle œuvre visuelle se doit d'avoir un OST au diapason. Chaque phase de jeu possède son thème en totale adéquation avec l'action que l'on voit à l'écran. Musique contemplative et envolées lyriques se succèdent pour le ravissement des oreilles. Toutes les musiques, vous l'aurez deviné, sont tirées elles-aussi de musiques traditionnelles japonaises.
O-Soto-Gari, ippon
Comme dans tout bon jeu d'aventure, les phases d'exploration, les phases de résolution d'énigmes et les phases de combat vont se succéder. Amaterasu peut marcher, courir, sauter et attaquer. Issun dit "la puce" est toujours prêt à distiller son savoir du monde au Loup Blanc. Et à le guider lors des phases d'énigmes. Comme nous l'avons vu, Amaterasu doit combattre et dissiper les ténèbres qui recouvrent le Nippon. Cela va passer, par exemple, par réveiller les arbres gardiens ou dessiner un soleil pour illuminer l'intérieur d'une grotte. Oui "dessiner". Car si ne le saviez pas, la grande et géniale idée des concepteurs d'Okami, c'est qu'il est possible de faire apparaître un pinceau et de peindre sur l'écran. Ainsi par le biais de ce Pinceau Céleste, le joueur peut interagir avec l'environnement. Un arbre presque mort revient à la vie en peignant l'auréole de son feuillage perdu, un ciel sombre s'éclaire grâce au cercle esquissé représentant le soleil, une roue à aube est réparée en re-dessinant sa partie brisée et disparue.
Amaterasu le Loup Blanc doit aussi combattre des démons issus du monde des ténèbres. Lorsqu'il rencontre l'une de ces entités, une enceinte de combat virtuelle apparaît. Certaines présentent une brèche pour tenter d'en sortir si toutefois vous souhaitez éviter ces confrontations. Les combats se font généralement contre plusieurs adversaires qui ont chacun leurs particularités. Le menu pause présente un "bestiaire" qui permet de trouver de précieux renseignements sur les points faibles de chacun. Ces démons, issus encore une fois du folklore et des croyances animistes japonaises, possèdent la plupart du temps des morphologies animales. Notre héros va affronter des singes, des poissons, etc., aidé là encore par le Pinceau Céleste. L'outil de création lors des phases d'exploration se transforme en outil de destruction lorsque la situation l'exige. Un simple trait et c'est l'équivalent d'un coup d'épée que reçoit l'adversaire. De nouvelles techniques d'attaque et de défense sont à acquérir dans un dojo, contre espèces sonnantes et trébuchantes. Et oui, même lorsqu'il s'agit de la sauvegarde du Monde, il n'y a pas de petits profits. Les nouvelles techniques qui s'appliquent au Pinceau Céleste s'acquièrent elles en complétant certaines constellations zodiacales croisées au fil de l'aventure. Il y en treize à apprendre. Elles peuvent être améliorées par la suite.
L'évolution du personnage principal suivant le cheminement du jeu rappelle particulièrement les jeux de la saga Zelda. Hideki Kamiya, réalisateur du jeu, n'a jamais nié être un fan absolu de Zelda et il s'en est grandement inspiré durant le développement d'Okami, notamment en ce qui concerne la touche RPG du titre. Plus on avance, plus Amaterasu devient puissant, de même que ses adversaires.
Enfin, pour ce qui touche au remake proprement dit, sachez que le jeu reprend l'exact déroulement de l'original. Le studio responsable de la remasterisation, HexaDrive, a inclus deux options intéressantes : la possibilité de jouer en 4/3 "comme avant" au lieu du 16/9e d'aujourd'hui et la possibilité d'activer/désactiver les fameux mini-jeux des phases de chargement.
Portage Switch
Okami était excellent sur PS2, et était revenu dans sa version la plus polie dans la version HD. Avec ce portage Switch, Capcom obtient la version la plus confortable de son titre.
En termes de nouveautés, il y a tout d'abord le côté hybride de la console, avec la possibilité de continuer l'expérience en mode portable comme sur la TV. Sur ce premier, l'écran est assez grand pour que tout soit parfaitement visible et des fonctions tactiles ont été ajoutées, pour l'utilisation du pinceau. En mode TV, on le manie tel une baguette magique grâce aux joy-con et ses détecteurs de mouvements, également mis à l'honneur pour des activités annexes comme la pêche.
Techniquement, le jeu ne profite évidemment pas de compatibilité 4K, mais affiche un 1080p solide sur la TV et un 720p chatoyant sur l'écran de la console. C'est un véritable rêve devenu réalité que de pouvoir parcourir cet excellent titre partout, et une forte valeur ajoutée par rapport à toutes les versions déjà parues.
Nous n'avons rencontré qu'un seul pépin technique durant l'aventure, un crash du jeu intervenu au moment de valider une sauvegarde. Heureusement, celle-ci a bien été comptabilisée et la partie a été reprise au bon endroit.
