*Toutes les images et tous les chiffres sont tirés de la vidéo de Rich.
Une question revient souvent depuis quelques années, combien touche un joueur de League of Legends au plus haut niveau ? L’esport est encore jeune et à l’inverse du sport, les salaires des joueurs ne sont pas connus du grand public et à chaque fois qu’un montant sort sur les réseaux sociaux ou sur Reddit, le sujet devient controverse et est directement nié par le ou les concerné(s).
Pourtant Rich, le fondateur de la structure H2k qui évoluait au sein des LCS EU, a publié sur sa chaîne YouTube une vidéo qui a eu l’effet d’une bombe sur Reddit : Combien coûte une équipe de League of Legends en LEC ? S’il ne cite aucun nom en particulier, Rich révèle certaines informations comme le salaire moyen d’un joueur titulaire, d’un joueur académique, d’un coach etc. Mais aussi toutes les dépenses et revenus qui sont liés à la gestion d’une équipe League of Legends.
Pour rappel, H2k a évolué au sein des LCS EU de 2015 à 2018. L’équipe a atteint son apogée en 2016 ou elle se hisse jusqu’en demi-finale des Championnats du Monde. H2k est surtout connu pour avoir publiquement exprimé ses griefs financiers vis-à-vis de Riot Games dans plusieurs lettres ouvertes. La structure stipulait notamment que les équipes rapportaient beaucoup d’argent à Riot sans pour autant qu’elles en voient un juste retour.
Il ne parle ici que des équipes League of Legends évoluant en LEC et ne prend pas en compte les autres équipes esportives d’une même structure qui peuvent influencer sur leur finance. Tous les montants donnés pendant la vidéo sont en euros et il ne parle qu'en moyenne, sachant que les budgets de Fnatic ou d'Excel ne vont pas du tout être les mêmes, par exemple.
Ceci étant dit, commençons par la base, le salaire des joueurs.
Salaire des joueurs
Comme précisé plus haut, Rich ne donne aucun nom en particulier et parle pur et simplement de MOYENNE salariale. Bien entendu, un joueur expérimenté et accompli perçoit un salaire annuel beaucoup plus élevé qu’un jeune rookie qui doit encore faire ses preuves. Tout comme une grosse équipe qui performe à l’international est plus enclin à payer bien plus ses joueurs phares.
D’après lui, la moyenne salariale annuelle d’un joueur LEC titulaire tourne autour de 250 000€ par an, tandis qu’un joueur académique sera plus aux alentours des 60 000€. Cela signifie qu’une équipe paie en moyenne 1 670 000€ à l’année pour cinq joueurs titulaires et cinq joueurs académiques, soit le minimum requis pour une structure évoluant en LEC. À cela s’ajoute les charges patronales comme dans tout business que vous pouvez retrouver dans les photos ci-dessous.
*La Church tax n'est pas obligatoire
Cela nous amène à environ 270 000€ par an pour un joueur à l’année et à 73 000€ pour un joueur académique. La masse salariale des joueurs pour une équipe LEC s’élève donc à 1 861 000€ en moyenne par an.
Staff
Passons aux salaires du staff maintenant. Rich précise qu’il ne prend en compte que les salaires des employés qui sont à 100% affiliés à l’équipe League of Legends d’une structure. Il exclut donc le salaire d’un Général Manager ou d’un CEO par exemple.
La moyenne salariale annuelle d’un Head Coach en LEC tournerait autour des 110 000€ par an. Comme pour les joueurs, les salaires varient en fonction des équipes et des coachs en eux-mêmes, mais il précise que certains coach en NA percevraient quasiment 500 000€ à l’année.
Le reste du staff varie énormément en fonction des équipes. Certaines ont des psychologues, des cuisiniers, des médecins, etc. Pour la réalisation de sa vidéo, Rich se base alors sur les dépenses qu’ils avaient budgété avec H2k lors de leur candidature au LEC, soit presque 300 000€.
Démarches administratives et légales
Certaines structures ont en interne des comptables, des avocats, et autres membres du corps juridique, mais la plupart d’entre-elles et en particulier les plus “petites” passent par des entreprises locales allemandes pour les aider avec leurs démarches administratives et juridiques, que ce soit pour leur comptabilité ou pour la réalisation des contrats avec leurs joueurs. Toujours en prenant l’exemple de sa propre structure, Rich explique que leurs dépenses à l’année variaient entre 80 000 et 120 000€. Il précise néanmoins — avec un petit sourire en coin — que certaines équipes ne se préoccupaient pas totalement de la légalité. Il estime que le coût moyen des dépenses administratives et juridiques à 30 000€ par an, toujours en moyenne.
Gaming House
Une Gaming House à Berlin coûte en moyenne 5000€ par mois, soit 60 000€ à l’année. Il ajoute que certaines équipes s’entraînent hors de leur Gaming House et qu’elles possèdent plusieurs appartements pour leurs joueurs, mais puisque cela varie, il ne prend en compte que le prix du loyer pour la Gaming House dans son exemple. De même pour les cuisiniers et les dépenses liées à la vie de tous les jours puisque, encore une fois, cela varie beaucoup trop en fonction des équipes.
Concernant l’équipement hardware, il assume que toutes les équipes sont équipées par des sponsors, même si ce n’est pas le cas pour tout le monde.
Enfin, il ne prend pas en compte le budget alloué aux déplacements pour des bootcamps et toutes les autres dépenses qui ne sont pas récurrentes à l’année.
Entre le salaire des joueurs, du staff, les dépenses administratives et juridiques ainsi que le loyer et les charges liées à la Gaming House, une équipe LEC coûterait donc en moyenne 2 247 232€ à l’année.
Ce montant colle avec la déclaration qu’avait faite Jacob Wolf, journaliste d’ESPN, sur Twitter, où il expliquait qu’une équipe League of Legends en LEC / LCS coûtait entre 2 et 4 millions à l’année (en $ cependant).
Mais du coup, comment se financent-elles ?
Riot Stipend
À l’époque des LCS EU, avant l’arrivée des contrats longue durée, Riot reversait aux équipes un “Stipend”, une allocation, en gros. Rich explique que ce paiement représentait la plus grosse partie du financement de certaines équipes. En 2018, ce montant était approximativement de 500 000€.
Mais depuis le passage au LEC, Riot a arrêté de distribuer ce “Stipend” et a mis en place un système appelé “LRP”, détaillé juste après la partie Sponsors.
Sponsors
Il est très difficile de déterminer les revenus liés aux sponsors d’une équipe tant cela peut varier. Rich précise qu’il ne connaît pas les contrats de sponsoring actuels des équipes mais basé sur ses sources et sur les informations financières publiques des structures que l’on peut trouver sur le net, il estime que ces dernières ne perçoivent pas plus de 500 000€ par an grâce aux sponsors.
D’après nos informations, cette estimation est assez proche de la réalité concernant les petites structures de la ligue mais elle SEMBLE assez loin de la réalité pour des grosses structures comme G2 ou encore Fnatic. Certaines structures n’ont d’ailleurs pas de réels “gros” sponsors, voire même pas du tout. Si l’on prend l’exemple de Rogue, nous retrouvons principalement ReKT Global et Steve Aoki dans leur liste de sponsors. ReKT Global est littéralement le groupe qui possède la marque Rogue tandis que Steve Aoki est un DJ qui a simplement investi dans l’organisation.
Mais comme il l’explique, toutes les équipes de LEC sont des structures multi-gaming, ce qui veut dire qu’elles ne possèdent pas seulement une équipe League of Legends. Lorsqu’elles pitchent et signent des contrats de sponsoring, l’argent obtenu n’est donc pas totalement alloué à la section League of Legends.
Il prend comme exemple une structure avec une grosse équipe League of Legends, une équipe CS:GO et une évoluant sur Dota 2. Si la structure signe un contrat de sponsoring à hauteur de 100 000€, il estime que la plupart du temps, la séparation se ferait de cette façon : 50% alloué à la section LoL, 30% à celle de CS:GO et 20% pour Dota 2.
LRP
En plus du droit d’entrée en LEC qui oscillait entre 8 et 10 millions d’euros en fonction de certains critères, Riot “taxe”, si l’on peut dire, les structures de leur ligue sur les revenus qu’elles génèrent grâce à leur section League of Legends. Cette taxation fait partie de ce système “LRP” qui est, pour faire simple, un pot commun qui permet à Riot de redistribuer les revenus liés à la ligue.
50% des revenus liés à League of Legends d’une structure vont donc dans ce pot commun, tout comme la totalité des revenus de Riot liés au sponsoring de la ligue ainsi que 50% des ventes en jeu qui concerne le LEC et les équipes en son sein, comme les passes équipes.
La totalité de ce pot commun est ensuite redistribuée entre Riot (32,5%) les joueurs (35%) et les équipes (32,5%).
Il y a bien entendu des variations en fonction de certains critères.
Toujours d’après Rich et basé sur les projections sur un an de Riot qu’il avait eu, le minimum garanti par l’éditeur concernant leur part insufflée dans le LRP est de 5 millions d’euros. Sachant qu’ils en récupèrent 33%, soit 1,7 millions, il reste donc 3,3 millions que les 10 équipes se partagent, c’est-à-dire, environ 330 000€ par équipe. Cette information est à prendre avec des pincettes puisque le LEC a signé de nombreux sponsors au cours de l’année et qu’il est donc fortement possible que le montant insufflé par Riot dans le LRP soit bien plus gros. Au final, il est bien possible que le montant que les structures reçoivent du LRP soit plus élevés que les 500 000€ du Stipend de Riot.
Néanmoins, cela ne reste qu’une supposition et il est difficile de savoir réellement combien le LRP rapporte aux structures. Si l’on reste donc sur les 330 000€ calculé par Rich, les structures recevraient donc moins d’argent de ce nouveau système de LRP que du Stipend de 2018.
Il termine cette partie de la vidéo allouée au LRP en expliquant que certaines structures pouvaient facilement "mentir" sur les revenus qu’elles génèrent grâce à leur section League of Legends. Dans l'exemple de Rich, si une structure évolue sur trois jeux, CS:Go, LoL et Dota 2 et qu'elle reçoit 100 000€ d'un sponsor, elle allouerait en général — toujours d'après lui — 50% à la section LoL, 30% à la section CS:GO et 20% à la section Dota 2. Cela signifie qu'elle devra reverser dans le LRP, la moitié des 50% allouée à la section LoL, mais elle peut tout à fait dire qu'elle n'en alloue — officiellement — que 10% à sa section League of Legends, tandis qu'officieusement, elle en a bien alloué 50%.
Ce qui donnerait :
Rich précise qu'il gardera d'ailleurs cette partie pour une future vidéo.
Contrat de diffusion
Il n'y pas de contrat de diffusion en LEC.
Cashprize
Le cashprize alloué aux compétition de League of Legends est assez faible. 200 000€ par split en LEC, dont 80 000€ pour le gagnant du split. Pour le reste de sa vidéo, et pour son calcul final, Rich assume que la structure, pour son calcul final, remporte les deux split, soit 160 000€ à l’année.
Merchandising
À l’exception de G2, Fnatic — et dans une moindre mesure Vitality — très peu d’équipes ont vraiment un merchandising développé. En étant généreux, il assume qu’une équipe perçoit jusqu’à 50 000€ à l’année grâce à la vente de leur merchandising, même s’il ne pense pas que cela soit vraiment le cas.
Ventes digitales
Les ventes digitales concernent les ventes directement en jeu, comme les icônes d’invocateurs. Rich explique qu’il avait aimé l’idée au départ et qu’il pensait que ces revenus allaient représenter une bonne rentrée d’argent pour les structures.
Malheureusement, même en 2016 lorsque H2k est allé jusqu’en demi-finale des Worlds avec Jankos, Forg1ven, etc. L’équipe n’a encaissé que 17 000€ provenant des ventes digitales. Il assume qu’actuellement et toujours en moyenne, une équipe ne devrait pas recevoir plus de 20 000€ sur l’année.
Calcul final
Si l'on additionne toutes les recettes et qu'on soustrait les dépenses :
En assumant que l’équipe gagne aussi les Worlds, la structure aurait une rentrée d’argent, en moyenne, d’approximativement 1,2 Millions d’euros, soit au final une perte de 1 048 044€ si l’on enlève tous les coûts que nous avons présenté plus haut.
Nous vous passons la conclusion sur son opinion concernant le prix des franchises de Call of Duty et Overwatch, mais Rich termine sa vidéo en expliquant que H2k avait bien postulé pour devenir une franchise en LEC, mais qu’ils n’auraient jamais signé le contrat tel quel et qu’ils essayaient surtout de négocier les termes du contrat avec Riot.
Une structure ne gagne pas d’argent aujourd’hui liée à ses équipes esportives, c’est un fait. Fabien “Neo” Devide, le fondateur de la Team Vitality l’a d’ailleurs rappelé sur le plateau de l’Equipe la semaine dernière. Relativisons néanmoins, les structures ont aussi d’autres rentrées d’argent que celles citées par Rich. La partie création de contenu, les marques blanches, les opé spé, la publicité, les levées de fonds, etc. Bref, il y a de nombreux autres éléments qui entrent en compte dans les finances d’une organisation esportive et tout n’est pas aussi noir que le présente Rich. Bien sûr, en ce qui concerne la partie League of Legends, il n’est pas étonnant que les structures perdent de l’argent dessus, mais les dépenses et les recettes ne sont pas du tout les mêmes pour Excel que pour Fnatic ou G2, par exemple.
La ligue majeure européenne dans son format actuel, à savoir le LEC, n’en est qu’à ses balbutiements et la première saison n’est même pas encore totalement terminée avec les championnats du monde qui arrivent. Les dix structures qui composent la ligue sont sous contrat longue durée avec Riot Games et à la vue du succès de cette première année, il n’est pas difficile d’imaginer que le montant insufflé par Riot dans le LRP augmente d’année en année. Des contrats de diffusion exclusives avec des plateformes de streaming, à l’image du sport traditionnel, pourraient arriver un jour, augmentant drastiquement le montant redistribué aux structures. Tout cela n’est que supposition et nécessite d’être approfondi dans un futur dossier sur le sujet. L’esport est encore très jeune et même si les pertes présentées par Rich sont faramineuses, il y a bien d’autres éléments à prendre en compte.
