Réalisateur : Craig Zobel
Acteurs : Ann Dowd, Dreama Walker, Pat Healy
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 26 septembre 2012
"Inspiré de faits réels". Voilà une phrase qui attise toujours la curiosité du spectateur lorsqu'elle apparaît dans le générique de début d'un film. Le traitement d'un fait divers au cinéma peut revêtir maintes et maintes formes. Du canular total à la Fargo des frères Coen à l'extrapolation poétique comme dans le formidable Créatures Célestes de Peter Jackson, certains cinéastes détournent cette phrase pour livrer un pur film de Cinéma.
Mais dans la plupart des cas, on a le droit à une reconstruction la plus fidèle possible des faits, et la réussite du film dépend alors de deux choses : la capacité qu'aura le réalisateur à les retranscrire sans être ennuyeux, et "l'intérêt" intrinsèque de ce fait divers.
Pour son second film, Craig Zobel se classe donc la catégorie prédominante : il va nous conter un fait divers en essayant de coller le plus possible à la réalité.
Et Compliance a déjà pour lui la fascination que provoque cette histoire vraie : un homme se faisant passer pour un flic va appeler un fast-food pour faire croire à son manager qu'une de ses employées s'est rendue coupable d'un vol, et va, à partir de là, faire subir un cauchemar à cette jeune fille, toujours par téléphones interposés.
Le pitch intrigue au plus haut point : comment peut-on en arriver à de telles extrémités avec ce qui semble être au premier abord un simple canular téléphonique ?
Une question à laquelle Craig Zobel ne répondra jamais, et il ne tentera même pas de la faire. Le réalisateur se contente ici de relater des faits en s'appuyant sur la vidéo de l'incident diffusée par de nombreux médias américains (et toujours disponible sur Youtube). On ressent l'envie de ne pas prendre position, de rester neutre tout au long du métrage et de ne jamais porter de jugement de valeur sur les faits qu'il relate. C'est la force du film mais également ce qui l'empêche d'être plus qu'un simple bon film.
Les acteurs sont tous excellents, aucun d'entre eux ne tombe dans le manichéisme. Ce n'était pourtant pas chose aisée tant les personnages qu'ils interprètent ont tous des comportements difficilement pardonnables, y compris la victime !
La mise en scène de Zobel est sans fioritures lorsqu'il s'agit de se focaliser sur nos personnages principaux. Il ne s'embarrasse pas d'ornements cinématographiques, et nous présente les scènes "chocs" de la plus simple des manières afin de focaliser l'intérêt sur celles-ci. Et c'est une grande qualité, il faut savoir rester sobre lorsque l'on souhaite que l'attention du spectateur soit entièrement focalisée sur l'action. De nombreux réalisateurs ne savent pas le faire, et encore moins quand ceux-ci débutent.
Là où la mise en scène impressionne, c'est lors des scènes d'expositions. Ici, le réalisateur peut se permettre quelques effets bien venus pour nous présenter l'environnement dans lequel se déroule son film. On a vraiment l'impression d'y être, entre frénésie du service continu et odeurs de fritures, le décor est parfaitement planté.
Mais tout l'intérêt de Compliance se trouve finalement "hors" du film. Ce sont les réflexions et les réactions que provoque le métrage qui sont finalement le plus intéressantes.
Il y a ceux qui trouvent le film trop invraisemblable, mais qui se ravisent rapidement en voyant la vidéo originale : ceux qui ricanent nerveusement pour évacuer leur sentiment de malaise, ceux qui ont peur…
Mais tous se posent sensiblement la même question : qu'aurais-je fait à leurs places ?
Et ça devient au final philosophique, on se surprend à questionner notre propre rapport à l'autorité, à nous demander quelle serait notre réaction si l'on était confronté à l'expérience de Milgram.
On se rassure en se disant que ça ne peut arriver qu'aux autres, qu'on est bien plus intelligent que cela mais, au final, on ne peut pas vraiment être certain de faire mieux que son prochain...
Compliance est donc un bon film qui relate un fait divers fascinant. Mais il aurait pu être bien plus que cela si Craig Zobel, le réalisateur, avait pris le risque de porter un regard subjectif sur les faits. Le film aurait sans doute été bien plus intéressant et controversé s'il avait reflété l'avis tranché de son metteur en scène. En l'état, il sert juste de base aux débats que les spectateurs vont avoir après l'avoir vu. Il joue donc bien plus sur les plates bandes du documentaire que sur celles du pur film de cinéma.