Depuis sa sortie, Clair Obscur: Expedition 33 fascine autant qu’il bouleverse. Le choix entre les deux fins possibles déclenche de vifs débats au sein de la communauté. Quelle est la « bonne » fin ? Laquelle est la plus juste, la plus humaine, ou la plus cruelle ? Mais en réalité, cette question pourrait bien être à côté de la plaque. En s'attardant sur cette opposition binaire, on risque de manquer l'essence même du jeu : une exploration poignante de la perte, du deuil et de la nature des liens, réels ou imaginés.
Verso ou Maelle ? Un faux dilemme
Le jeu nous pousse à faire un choix douloureux entre deux conclusions radicalement différentes : celle de Verso, qui met fin au monde du Tableau, ou celle de Maelle, qui le préserve. La première permet de tourner la page, en forçant Maëlle (ou Alicia) à se détacher enfin de la toile, de sortir du cycle de douleur hérité de sa mère, Aline. Mais cette fin se paie d’un prix terrible : le gomage de tous les personnages du Tableau, auxquels le joueur s’est tant attaché.
La seconde fin, celle de Maelle, conserve ce monde peint, et donc la vie de ses habitants. Pourtant, elle condamne son héroïne à une répétition du passé et à une éternité emprisonnée pour Verso. Comme sa mère avant elle, elle s’enferme dans un refuge illusoire pour éviter d’affronter la réalité du deuil. En surface, préserver des vies semble noble. Mais à y regarder de plus près, ce choix pourrait bien être un renoncement, une fuite.
Ce dilemme met en lumière la force du récit de Clair Obscur : il ne s’agit pas de décider ce qui est moralement « juste », mais de comprendre que tout choix vient avec une part de souffrance. Chaque option révèle un aspect différent de la douleur de perdre, et il n’existe pas de solution miracle pour y échapper.
Une toile de personnages inoubliables
Ce qui rend ce choix final si difficile, ce ne sont pas seulement ses implications philosophiques, mais aussi l’attachement profond aux personnages. Le jeu prend le temps de rendre chaque figure du Tableau, même Renoir, présenté comme l’antagoniste, nuancée, humaine, vulnérable. À travers leurs récits, leurs doutes, leurs failles, les joueurs s’investissent émotionnellement, au point de ressentir leur existence comme authentique.
C’est précisément ce que ressent Maëlle. Pour elle comme pour le joueur, ces personnages sont bien plus que des illusions. Ce sont des compagnons, des repères dans un monde fracturé par la perte. Les effacer revient à vivre une deuxième mort. Et pourtant, les garder en vie, c’est risquer de ne jamais avancer.
Ce paradoxe rend toute classification en « bonne » ou « mauvaise » fin obsolète. La beauté – et la cruauté – de Clair Obscur réside dans cette ambivalence. Peu importe ce que vous choisissez : vous repartirez le cœur lourd, mais enrichi d’une expérience rare de réflexion personnelle.
En bref, Clair Obscur: Expedition 33 ne propose pas deux fins pour déterminer laquelle est la meilleure : il les oppose pour mieux explorer ce qui est en jeu quand on parle de deuil, de mémoire et d’acceptation. Le choix entre Maelle et Verso n’est pas une épreuve morale, mais une invitation à l’introspection. Se disputer pour savoir quelle fin est la plus juste revient à oublier que la véritable question posée par le jeu est : comment apprendre à vivre avec ce qui nous manque, sans jamais vraiment pouvoir le réparer ? Une leçon douce-amère que beaucoup de récits n’osent pas affronter et que Clair Obscur place au centre de sa toile.