
Date de sortie : 5 septembre 2012
Réalisateur : William Firedkin
Genre : Thriller, Drame

Un nouveau film de William Firedkin c'est toujours un événement. Le légendaire réalisateur de L'Exorciste, French Connection ou encore To Live and Die in L.A. avait bluffé tout le monde avec Bug, sa dernière réalisation il y a 6 ans déjà.
C'est donc avec fébrilité et excitation que l'on pénètre dans la salle obscure pour découvrir Killer Joe, son dernier bébé. Et avec une certaine appréhension aussi, Friedkin va-t-il garder éternellement cette hargne et cette maestria dans la mise en scène ? C'est qu'il a maintenant 77 ans le gaillard et que l'on redoute toujours le faux pas des légendes...
Mais dès les premières minutes de son film, tous les doutes sont balayés d'une main de maître par Friedkin. À grands coups de mise en scène ciselée au millimètre, le génial réalisateur nous plante le décor de son Killer Joe. L'univers redneck poisseux du Texas, une cellule familiale non pas en crise mais toujours au bord de la rupture et sans aucune frontière morale. On a le droit aux caravanes, au pitbull, à la crasse, la grossièreté, à l'absence de pudeur et à la mise en place de son scénario immoral et dérangeant. Dans cette première séquence, Friedkin illustre brillamment la maxime d'un autre génie : le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est bon, on est bon !
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Killer Joe c'est d'abord une histoire de famille. Le fils aîné de cette famille de rednecks paumés au fin fond du Texas est endetté jusqu'aux gencives et n'a pas trouvé d'autre solution pour effacer son ardoise que d'organiser le meurtre de sa mère pour empocher une assurance vie de 50 000 dollars.
Il devra partager ce pactole avec son père, sa belle-mère et le tueur qu'il compte engager pour faire le boulot : Killer Joe, un flic véreux qui fait des heures supp' en se faisant ange exterminateur pour 25 000 dollars le contrat. Au milieu de ces personnages tous plus détestables les uns que les autres, évolue Dottie, l'innocente cadette de la famille qui est la seule bénéficiaire de cette assurance vie.
Le synopsis semble donc classique et déjà vu, le traitement qu'en fait Friedkin le relègue finalement au second plan. Le bonhomme est un fabuleux formaliste mais il est également un des meilleurs directeurs d'acteurs que le septième art ait jamais connu. Bon nombre de ceux-ci ont livrés leurs performances les plus inoubliables dans les films du Monsieur. Et ce Killer Joe n'échappe pas à la règle, Matthew McConaughey en psychopathe transpirant la classe et la perversité, Gina Gershon en milf poisseuse, Thomas Haden Chruch en père de famille bourru et stupide et Emile Hirsh en détestable grand frère livrent tous ici la meilleure performance de leurs carrières.
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Mais la grosse révélation du film c'est bien Juno Temple. La jeune actrice, forte d'une carrière déjà bien remplie du haut de ses 23 ans, est ici exceptionnelle. Elle est tout simplement parfaite en petite ingénue naïve mais qui suinte le sexe à chaque plan. On en vient à se dégoûter soi-même de désirer cette figure angélique au milieu des bourrus. Et Friedkin ne lui épargne rien, tout le monde se sert d'elle, l'objectifie à outrance, et elle traverse toutes ses épreuves avec une grâce et une légèreté à vous briser le coeur...
La mise en scène de Friedkin est toujours aussi pêchue et efficace. Le réalisateur, bien aidé il est vrai par une photographie splendide de Caleb Dechanel, fait un sans faute de ce côté là. Si les extérieurs sont de facture très classique, le maître excelle dès qu'il s'agit de filmer la tension et le huis-clos. Le tout culmine dans un crescendo final qui restera longtemps dans l'esprit du spectateur médusé. On retient son souffle durant toute la dernière séquence et on se dit qu'on aura du mal à remanger du poulet frit un jour...

À 77 ans, William Firedkin prouve, encore une fois, qu'il fait toujours parti des réalisateurs incontournables. Et, encore mieux, il fait preuve de beaucoup plus de pêche, de hargne et de politiquement incorrect qu'un grand nombre de réalisateurs de la nouvelle garde. Killer Joe n'est pas le meilleur film de la carrière de Friedkin, on est ici assez loin des sommets qu'il avait atteint dans les années 70 et 80, mais c'est sans conteste un des meilleurs films de l'année 2012, et c'est déjà beaucoup !







