Test Ghost of Yoteï : Une suite très solide, mais qui se montre peu inspirée après la sortie d'Assassin's Creed Shadows ?

Sorti en 2020 sur PS4, Ghost of Tsushima est parvenu à s'imposer tant bien que mal sur un marché saturé par les jeux en monde ouvert dont les joueurs commençaient déjà sérieusement à se lasser. Autant dire que cinq ans plus tard, la tâche ne s'annonce pas aisée pour Ghost of Yotei, avec un public plus blasé du genre que jamais après Assassin's Creed Shadows et une hausse de prix qui a du mal à passer.

• Genre : Action-RPG, Monde ouvert
• Date de sortie : 2 octobre 2025
• Plateforme : PS5
• Développeur : Sucker Punch
• Éditeur : Sony
• Prix : 79,99 €
• Testé sur : PS5 de base

Brown Eye Samurai

Dites adieu aux invasions mongoles, cette suite spirituelle démarre plus de 300 ans après les événements de Tsushima. L'histoire reprend en 1603, sur l'île d'Hokkaido, nommée Ezo à l'époque et le mont Yotei est l'équivalent local du Mont Fuji. Le pitch de départ a malheureusement un sérieux goût de déjà-vu, puisque c'est un cliché réutilisé régulièrement, que cela soit dans Kill Bill ou plus récemment dans Blue Eye Samurai et même dans Assassin's Creed Shadows cette année. Une bande de six brigands aussi ambitieux que masqués ont tué la famille de la protagoniste, Atsu, mais elle échappe à la mort in extremis. Elle revient quelques années plus tard, après avoir maîtrisé l'art du sabre, pour se venger à coup de katana. Le fait d'interroger les paysans et les ennemis capturés pour obtenir des informations sur les Six de Yotei est étrangement similaire a ce qu'on a dû faire dans ACS plus tôt cette année.

Le semblant d'originalité se trouve dans le choix de la région isolée d'Ezo, loin au nord de la "grande île". Le Japon commençait juste à coloniser les lieux à l'époque, aux dépens des autochtones, les Aïnous. Cela ne devrait pas manquer d'évoquer des choses aux fans de Golden Kamuy. Malheureusement, Sucker Punch a préféré mettre la réalité historique en les reléguant dans un coin de la carte, pour inventer une vaste guerre entre deux clans de samouraïs pour ce territoire. Atsu n'a pas d'autre choix que de se retrouver impliquée, puisque ses ennemis jurés mènent un des deux belligérants, tout en se comportant comme des méchants droits sortis de Ken le survivant.

Avoir une femme mercenaire en plein Japon médiéval n'est pas commun, mais le réel problème est que l'histoire enchaîne tous les clichés habituels, mais aussi les incohérences flagrantes. Atsu parvenant à traquer et à exécuter un de ses bourreaux dès l'introduction du jeu, tout en se relevant après avoir reçu une blessure a priori mortelle, elle est suspectée d'être une Onryo, un esprit vengeur, ce qui crée la parallèle avec Ghost of Tsushima. Cela la rend aussi célèbre que crainte et tout le monde la reconnait immédiatement. On peut se demander à quoi le scénariste pensait lorsqu'elle infiltre les rangs ennemis, déguisée en tentant de se faire passer avec succès pour une "autre" femme mercenaire. Avant de griller sa couverture de la façon la plus stupide qui soit et de prendre la fuite sur son cheval capable de se téléporter dans le château et de prendre la fuite au milieu d'un déluge d'explosions capable de faire rougir Michael Bay.

Un autre exemple qui nous a marqué a suivi notre défaite aux mains d'une escouade spéciale chargée de traquer l'Onryo. Plutôt que de mener à un "Game Over" et à un chargement rapide, Atsu est attachée à un poteau pour être menée au chef des Six. C'est une bonne idée, mais pourquoi lui avoir laissé son armure et ses armes à la ceinture ? En cinq secondes chrono, elle défait ses liens et tue tous ses geôliers qui lui tournaient le dos. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il est difficile de réconcilier ça avec la pléthore de souvenirs d'enfance d'Atsu dont on nous arrose régulièrement. On peut aussi se demander comment une orpheline gravement blessée et dépourvue de tout est à la fois devenue musicienne de talent, forgeronne capable d'améliorer le chef-d'œuvre de son père et la meilleure épéiste du pays à la fois. Elle a même trouvé une louve sauvage en chemin qui a décidé de devenir son amie.

Sans parler du soi-disant prix de la vengeance, qui va de pair dans ce genre d'histoire, quand elle est capable de battre ses ennemis par dizaines lorsqu'elle s'énerve et que les Six de Yotei passent leur temps à chercher de nouvelles façons de prouver qu'ils sont vraiment méchants. L'histoire introduit aussi maladroitement qu'artificiellement de fausses dichotomies et des pseudo-dilemmes moraux, pour tenter d'ajouter un peu de nuance à une histoire manichéenne. D'un autre côté, la qualité du doublage, disponible en Japonais, le jeu d'acteur et la mise en scène, permettent de compenser et d'avoir droit à quelques belles scènes tout de même.

Les vallées du vent

Comme le montrent les images et les vidéos du jeu, Ghost of Yotei est globalement très beau. À la fois au niveau de la qualité graphique, mais aussi en termes de direction artistique. Plutôt que reproduire la grisaille du monde réel, l'environnement est bien plus coloré, avec des champs de fleurs un peu partout, des arbres aux feuilles vives et d'autres éléments couramment associés à une représentation idéalisée, voire légèrement fantastique du Japon.

Cette seconde option semble la plus probablement, puisque le vent sert de GPS et les animaux sauvages font toujours un relai pour guider Atsu vers les points d'intérêt de la carte, quand ce n'est pas sa louve qui apparaît pour lui sauver la vie au dernier moment. En contrepartie, il est impossible de tuer la majorité des animaux de Yotei, ce qui est un point commun malvenu de plus avec AC Shadows. Les limites importantes du Parkour dans cet épisode en sont une autre.

Dire que Yotei reprend les mécanismes de Tsushima pour son monde ouvert est un euphémisme. En plus des particularités listées plus haut, les bambous à couper et les baignades dans les sources d'eau chaudes sont aussi de retour, les plans sur ses fesses compris. Atsu pourra aussi se lancer à la recherche de différents trésors légendaires ainsi qu'à la poursuite de différents criminels rodant dans la région. Les profils de ces différents criminels sont variés et certaines de ces quêtes sont assez réussies, même si on aurait apprécié d'avoir plus de liberté dans leur résolution, sachant que l'histoire principale n'en laisse aucune. Les camps ennemis à nettoyer sont évidemment aussi au rendez-vous, alors que lieux de rédaction de Haïku sont remplacés par la composition de morceaux de Shamisen et par la peinture.

Plutôt que de chercher à modéliser tout Hokkaido, les développeurs ont eu le bon sens de se concentrer sur les vallées principales reliées par un unique chemin, ainsi que le mont Yotei, même si c'est au prix de quelques chargements rapides entre les différentes régions. Chaque région représente une saison et les couleurs qui lui sont associées, ainsi qu'une topographie et un antagoniste qui lui est propre, ce qui permet de varier l'exploration ainsi que les défis proposés par chaque membre des Six. Cela étant dit, c'est loin de toujours être une réussite. Sucker Punch en a juste trop fait pour les ninjas des neiges et leurs dizaines d'énigmes à base de statues de renard à faire pivoter en utilisant un code. Ce n'était pas intéressant la première fois, ça l'est encore moins quand c'est la vingtième énigme du genre.

Le studio s'est peut-être rendu compte que c'était léger, ce qui expliquerait l'ajout du camp et de différents mini faisant usage des fonctionnalités de la DualSense. Pour récupérer sa vie et son esprit, Atsu peut camper, ce qui implique d'allumer un feu soi-même, un processus long et difficile quand on n'a pas de briquet. Il faut faire des étincelles sur les herbes sèches et souffler sur le micro de la manette PS5 durant de longues minutes pour y parvenir. Cette activité parvient à être ennuyeuse dès la première fois aussi, et ça n'en est qu'une parmi d'autres, avec la cuisine, la forge, la peinture au pavé tactile et le shamisen. Heureusement qu'il est possible de les passer, excepté pour le shamisen étrangement. Ghost of Yotei va néanmoins s'évertuer à vous les proposer jusqu'au bout de l'aventure.

Il est aussi de coutume de proposer un mini jeu d'argent pour se remplir les poches tout en proposant une activité secondaire aussi source d'équipement. Ici, c'est l'Ohajiki. Les règles de ce jeu font penser à un mélange entre les billes et le billard américain, mais avec des pièces de monnaie. L'avantage est que les règles sont très simples, voire trop simples, au point de devenir un problème d'équilibrage majeur. Atsu doit remporter la partie dès son premier tour de jeu en touchant toutes les pièces une à une, sans jamais laisser son adversaire jouer. Si l'IA peut jouer son premier tour suite à une erreur de votre part, elle va presque toujours gagner, sans vous laisser la moindre chance. Une fois de plus, on navigue entre les deux pires extrêmes, l'ennui et la rage.

Duels à la Fire Emblem

Dans les très grandes lignes, Ghost of Yotei reprend le système de combat de Ghost of Tsushima, avec d'un côté un système d'infiltration et d'assassinats à la Assassin's Creed (Qui revient trop souvent dans ce test) et des affrontements plutôt classiques pour un Action-RPG lorsque vous êtes découverts ou qu'un duel s'engage : coup rapide, coup puissant, blocage, parade, esquive, etc. Vous connaissez le topo. Les soins et les attaques spéciales sont toujours basés sur votre jauge d'esprit, qui se remplit en réussissant diverses actions, comme le fait de briser la garde de son adversaire. L'arc et différents outils viennent rapidement complémenter le tout.

Le changement majeur est la disparition du système de styles de combat qui permettait de contrer chaque type d'arme ou d'ennemi rencontré. Il est remplacé petit à petit par l'introduction d'armes supplémentaires maniées par Atsu. Cela ne sort pas non plus de nulle part, puisqu'elle doit trouver la piste d'un grand maître pour chacune d'entre elles. Le moins qu'on puisse dire est qu'ils ont l'esprit ouvert pour des vieux japonais du 17ᵉ siècle et il s'ensuit une séquence d'entraînement pour introduire le nouvel ajout à l'arsenal de notre Onryo.

Le principe est similaire au fameux triangle des armes de la licence Fire Emblem, mais en plus large. Les lames doubles contrent les lances, la lance domine le Kusarigama (faux et poids au bout d'une chaîne), qui permet de détruire les boucliers, etc. Cela commence à devenir un peu étrange quand Atsu commence à manier l'Odachi, une grande épée normalement réservée aux hommes forts. Elle finit par se balader avec pas moins de cinq armes de mêlée, 4 armes à distances, un stock de bombes et d'autres outils à lancer, au point de saturer les raccourcis de la manette. Ces 30kg d'acier ne l'empêchent pas d'effectuer des acrobaties à flanc de montagne, revêtue de la légendaire armure de samouraï unisexe.

Elle est plus proche du Doom-Slayer que de Sakai, puisqu'elle peut tout transporter en même temps et qu'elle est capable de changer d'arme à la volée en combat, quasiment sans aucune animation de transition. Ce n'est pas qu'une question de préférence, comme vos ennemis aussi se trimbalent parfois avec tout ce qu'ils ont réussi à trouver dans l'armurerie sur le dos et ils sont capables de passer de l'une à l'autre à une vitesse défiant l'imagination. Cela peut rapidement vous placer en position de faiblesse, à moins de s'en tenir au simple katana qui est neutre dans toutes les situations.

Cela ne veut pas dire que c'est la réponse à tout, puisque deux nouveaux types d'attaques vont être utilisée par les adversaires d'Atsu. Les très, voire trop nombreuses attaques bleues impossibles à bloquer, qu'il faut parer avec le bon timing. Les duels se transforment en un véritable déluge d'attaques bleues et rouges, ce qui les rend beaucoup plus exigeants que dans le titre précédent. Plus rares, les attaques jaunes permettent de désarmer Atsu si elles ne sont pas gérées correctement. Son arme va alors tomber à proximité et il vous faudra aller la récupérer en esquivant les coups, ou alors, vous pouvez juste en sortir une autre de votre sac magique.

En contrepartie, Atsu dispose aussi de l'équivalent de ces mêmes attaques spéciales, en investissant dans les bonnes compétences. Cela doit expliquer pourquoi les boss sont surarmés. Les armes laissées au sol par les ennemis peuvent aussi servir de projectiles improvisés ridiculement puissants. D'après Yotei, un katana est bien plus efficace lorsqu'il est lancé, il tue alors sa cible instantanément dans la majorité des cas. Avec les bons charmes, il est possible d'inverser la stratégie de l'armée Russe : ramassez l'arme du soldat que vous venez de vaincre pour tuer le suivant, jusqu'à ce qu'ils soient tous morts.

Ceci étant dit, ce n'est qu'une méthode parmi d'autres de se débarrasser de l'ennemi. La discrétion, les armes à distance et les outils mis à votre disposition permettent d'adopter différentes approches des combats en fonction de vos préférences. Les armures ainsi que les différents charmes venant complémenter votre build. Les fameux duels en 1v1 étant néanmoins aussi réguliers qu'inévitables, ce style de jeu est lourdement privilégié.

Globalement, les combats s'avèrent intéressants et intenses, mais ils s'avèrent aussi frustrants à l'occasion. Les actions des ennemis ont toujours l'air d'être fixées sur Atsu, ce qui donne des situations assez étranges dès que vous esquivez en arrière ou que vous tentez de fuir. Ils ont l'air d'être reliés par des élastiques, ce qui ramène les ramène en mêlée à très grande vitesse durant leur animation d'attaque. C'est déconcertant et vraiment pénible, surtout lorsque la caméra refuse de se centrer correctement.

En résumé

Ghost of Yotei nous donne l'impression d'être un énième jeu sorti trop tôt, avant de disposer du contenu et des équilibrages requis pour en faire un digne successeur de Ghost of Tsushima. Sans être un mauvais jeu, il souffre des mêmes problèmes que la majorité des AAA en monde ouvert dont on nous abreuve depuis plus d'une décennie. Une grande partie des joueurs risque de s'être lassé de ce qu'il propose depuis longtemps. Son histoire ne nous a pas non plus suffisamment convaincus pour faire la différence. Une grande partie du potentiel du jeu repose sur son mode multijoueur coopératif, Legends, prévu sous la forme d'une mise à jour gratuite en 2026.