
Si les exemples énoncés précédemment ne sont pour la plupart, que des cas isolés qui tendent à confirmer la tendance dont nous parlons, un phénomène particulier a bousculé l'industrie tout entière. Nous sommes en février 2012, et Tim Schafer, l'un des créateurs les plus adulés de sa génération -notamment pour Day of the Tentacle ou Monkey Island- fait appel aux dons des joueurs pour financer le prochain titre de son studio Double Fine, sur le site Kickstarter. C'est le début du crowd-funding pour le jeu vidéo. Déjà largement adopté dans l'industrie musicale, ce système met en avant des projets qui souhaitent s'affranchir des éditeurs et garder leur indépendance, en trouvant un financement directement auprès des joueurs. Ces derniers sont récompensés de leur soutien à hauteur de leur investissement : la plupart du temps ils se voient offrir une copie à la sortie du jeu, et pour les plus généreux cela peut aller à la participation à la bêta privée, jusqu'à la visite du studio. Au bon vouloir des développeurs finalement.

Tim Schafer a ainsi récolté 400 000 $ en 24 heures. Un chiffre impressionnant qui en appelle d'autres, puisque les records tombent un par un depuis ce premier essai médiatisé. Dorénavant, il ne se passe pas une semaine sans que les sites d'information jeu vidéo ou les réseaux sociaux, ne s'emballent autour d'un nouveau projet financé par le crowd-funding. Même si l'on est encore dans l'oeil du cyclone, on peut d'ores et déjà anticiper l'effet Kickstarter ; les éditeurs prennent conscience du phénomène et l'amplification des inscriptions à Kickstarter ne cesse de croître. D'ailleurs, la réussite de ce système de financement particulier rencontre une autre tendance forte, l'émergence de la scène indépendante. Cette dernière se réjouit de ce mouvement de foules et de dons, car il permet la création d'un tout autre chemin de publication de titres qui semblait alors, impossible il y a encore quelques mois.

Depuis, de nombreux autres sites concurrents de Kickstarter se sont lancés dans l'aventure. Mais c'est de Valve qu'est venue la principale innovation dans ce modèle tout récent. Le studio a rapidement développé une nouvelle offre communautaire, Greenlight. Le principe est on ne peut plus simple : Steam se réserve le droit de sélectionner des dizaines de projets et de les mettre, un temps, en avant grâce à sa plateforme de jeux en ligne. Et c'est tout un système électoral qui se lance : les utilisateurs de Steam peuvent voter pour le projet qui les intéresse le plus et auquel ils aimeraient jouer. À la fin, il y a décompte des votes et le ou les gagnants remportent l'honneur d'être mis en ligne sur Steam. Une autoroute toute tracée vers une gloire certainement plus aboutie que celle qu'ils auraient connue sans cette aide. Les joueurs n'ont donc là aucun pouvoir économique direct, mais rentrent dans un système mafieux, où leur clic vaut de l'or. Une seule pression et c'est le bouton rouge pour les autres projets.
Plus le jeu vidéo grandit et s'impose comme l'industrie culture au plus fort poids économique, plus les joueurs s'imposent dans la création des jeux. Cette singularité, on ne la retrouve que dans le jeu vidéo et reste encore aujourd'hui inexplicable. Évidemment, on ne se plaindra pas de cette tendance puisqu'elle nous permet de nous sentir concernés par l'avance globale du milieu. Il faut cependant garder en tête les dangers d'un tel pouvoir et les dénoncer lorsque notre rôle empiète sur le développement. Gardons en tête que nous ne sommes que des gardes-fou, et avant tout la finalité de tout projet vidéoludique.


