Édito : La guerre des consoles
À présent que l'E3 2013 a pris fin, et que les acteurs majeurs du monde du jeu vidéo ont fait leurs annonces, je vais partager avec vous mes réflexions sur un autre sujet on ne peut plus d'actualité dans ce troisième éditorial : la guerre des consoles.
Note du 19 juin : Microsoft vient de supprimer certaines des limitations placées sur sa console suite aux retours extrêmement négatifs reçus de la part de la communauté. Des éléments de cet édito ne sont donc plus d'actualité !
Historiquement la guerre des consoles a véritablement débuté entre Sega et Nintendo, celle-ci ayant probablement culminé avec la Megadrive et la Super Nes. Dans l'essence ce sont deux grandes entreprises se faisant concurrence, et qui tentent de faire choisir leur console par le public, et donc toute la gamme de jeux qui vont avec, plutôt que de les voir choisir la console de leur adversaire. Par extension cette « guerre » s'est étendue aux joueurs, qui ont leur console favorite, et qui se sentent donc forcés de défendre leur choix, leur « camp ». Évidemment le terme de « guerre » n'est ici que symbolique, il représente tout simplement l'antagonisme plus ou moins fort existant entre les deux machines et leur communauté respective.
Je ne vais pas vous faire une rétrospective de la guerre des consoles pour chaque génération de machines, mais si vous n'avez pas suivi nous en sommes maintenant à une opposition symbolique entre Microsoft et Sony, pour la troisième fois consécutive, avec la Xbox One faisant face à la PlayStation 4. Sega s'étant retiré du marché des consoles depuis 2001 après deux échecs cuisants, et Nintendo semble vouloir se positionner un peu différemment comme nous le verrons plus tard (certains diront qu'ils n'ont tout simplement plus les épaules).
Coté obscur vs. Coté clair (mais non je ne suis pas biaisé) |
Les enjeux de la guerre des consoles sont plus importants que jamais, après cinq longues années sans nouvelle génération de machines, il est plus que temps que de nouvelles consoles prennent la relève. De plus le marché du jeu vidéo a connu, et connait toujours une très forte croissance. Certains acteurs du milieu estiment qu'il pourrait y avoir jusqu'à un milliard de consoles nouvelle génération dans les foyers lors des années qui viennent.
Jetons donc un œil aux différents « fronts » sur lesquels ce « conflit » se déroule :
Le Hardware et le prix
La première chose qui vient à l'esprit lorsqu'on tente de comparer deux consoles est généralement l'aspect Hardware, et leur prix. La puissance brute de ces machines est généralement moins importante que sur PC, puisque les jeux sont généralement adaptés spécifiquement pour chaque console, cependant cela reste un élément notable. D'après les chiffres qui nous ont été fournis par Microsoft et Sony, nous avions estimé que la PS4 serait environ 10 à 15 % plus puissante que la Xbox One, ce qui n'est pas rien. La Xbox One pourra peut-être combler la différence avec une des fonctionnalités promise: le Cloud Computing. En pratique elle utilisera la connexion internet pour décharger certaines tâches à des serveurs dédiés de Microsoft, ce qui permettrait alors d'afficher de meilleures textures par exemple. Bien qu'en pratique pour le moment nous ignorons si cela sera très répandu et si le gain sera vraiment significatif. Il est donc difficile de les départager sur ce point pour le moment.
La manette est aussi un élément non négligeable dans le choix de certains joueurs, dans le cas présent celles de la PS4 et de la Xbox One sont les descendantes directes de celles de la PS3 et de la Xbox 360, en terme de forme et d'ergonomie, même si quelques petits changements ont été faits. Ceux ayant déjà des préférences en ce domaine ne risquent donc pas de changer d'avis, par exemple je trouve la manette de la Xbox 360 plus confortable, car de plus grande taille, mais les joueurs (joueuses ?) disposant de plus petites mains pourraient préférer celle de la PS3. Encore une fois il est difficile de départager les deux consoles en se basant là-dessus, car on en revient aux préférences personnelles.
Le point sur lequel on peut le plus objectivement départager les deux consoles est leur prix. La Xbox One est a 499 euros, alors que la PS4 n'est qu'à 399 euros, soit 100 euros de moins, ou 20 % de moins si vous préférez. Pour des machines qui sont essentiellement similaires en terme de performance, et de taille du disque dur, ce n'est pas rien. L'argument le plus souvent utilisé par les défenseurs de la Xbox One est alors généralement « Oui mais il y a la Kinect en plus » ce à quoi on peut répondre « Certes, mais si je n'en veux pas, et que je n'en ai pas l'utilité ? » comme j'y reviendrai plus tard, cela pourrait presque être assimilé à de la vente forcée en un sens. Cependant si on ajoute la Caméra de la PS4, qui est un accessoire vendu séparément, au prix de 52 euros, on reste presque 50 euros en dessous du prix de la Xbox One.
Limitations et fonctionnalités
Il serait un peu fastidieux de revenir sur toutes les fonctionnalités secondaires des deux consoles, on peut cependant noter une orientation très différente prise par chacune. D'un côté Microsoft avec sa Xbox One tente d'élargir son public et de séduire avec des fonctionnalités n'ayant pas grand-chose à voir avec le gaming, ce qui transforme sa console en borne multimédia servant de télévision intelligente, le tout géré avec la Kinect. Il reste à voir si cette stratégie s'avérera payante en terme de chiffre de vente, il n'est pas sûr qu'ils réussissent à séduire une nouvelle clientèle grâce à cela, et il y a de bonnes chances que de nombreux joueurs endurcis restent de glace devant ces « gadgets ».
De plus, ces nouveautés arrivent avec un nombre obscène de contraintes particulièrement limitatives vis-à-vis des utilisateurs. Pour commencer, la Xbox One a besoin de pouvoir se connecter au moins une fois toutes les 24 heures afin de vous donner accès à vos jeux, et elle sera localisée. Les réponses de Microsoft ont jusque-là été assez évasives, mais le fonctionnement de la console n'est pas garanti en dehors des pays où elle a été officiellement annoncée (Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Italie, Mexique, Pays-Bas, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse) certains marchés estimés comme non viables ont été ignorés, dont les très notables Corée du Sud et Japon, tout comme plusieurs pays européens : Portugal, Grèce, Pologne. Cette localisation servira aussi à veiller à ce que vous n'ayez pas accès aux chaines de télévision réservées pour certains pays, ainsi en France vous n'aurez pas accès à HBO par exemple.
De plus, Microsoft souhaite appliquer une très stricte politique de contrôle sur les jeux, il sera au mieux très difficile, au pire totalement impossible de prêter vos jeux à vos amis, même chose pour la revente de jeux d'occasion. Vous serez donc souvent bloqué avec votre jeu à 70 euros pour 10 heures de durée de vie, ou moins, il y a de quoi y réfléchir à deux fois avant d'investir. Le point positif est qu'il faut reconnaître que la Xbox One disposera quand même d'une très large palette de service et de fonctionnalités liées à internet et au Cloud, du moins pour peu que vous payez un abonnement qui sera obligatoire pour en profiter.
Notons aussi au passage que les jeux Xbox 360 ne seront pas utilisables sur la Xbox One, et que rien n'est prévu pour y pallier.
La cerise sur le gâteau, étant le fait que la Kinect doive être obligatoirement branchée pour faire fonctionner la Xbox One, cette dernière sera toujours aux aguets de vos commandes vocales, et possiblement du moindre de vos gestes. En pleine période de scandale sur le non-respect de la vie privée aux États-Unis, et en voyant que Microsoft a déposé des brevets afin par exemple de limiter le nombre de personnes pouvant regarder un film en même temps (surveillé par la Kinect), il y a de quoi avoir peur.
Hé non, ce n'est toujours pas possible !
C'est triste à dire, mais Sony n'a pas eu à chercher bien loin ici. Son meilleur argument qui n'a pas manqué d'attirer les faveurs de beaucoup est tout simplement l'absence de toutes les limitations absurdes présentes sur la Xbox One. La PS4 n'exigera donc pas de connexion, elle n'aura aucune localisation (vous pourrez jouer de partout avec toutes les versions des jeux), vous pourrez prêter vos jeux, et les revendre. De plus vous n'aurez pas une caméra et un micro actifs braqués en permanence sur votre salon. En dehors de cela la PlayStation 4 propose des services et des fonctionnalités de base assez similaires à la Xbox One, les éléments liés à la télévision intelligente et à la Kinect en moins. Une bonne partie des services en ligne du Playstation Network n'exigeront pas d'abonnement. En prime bien que les jeux PS3 ne soient pas compatibles avec la PS4, un service de streaming de jeu, via le cloud computing devrait voir le jour et permettre d'y jouer tout de même sur la nouvelle console.
Nous avons donc d'un coté un constructeur qui veut tout faire pour « emprisonner » le joueur et le forcer à suivre ses règles, l'autre se contente globalement de respecter les « acquis » des joueurs dans le milieu. On regrettera quand même que certaines innovations attendues depuis très longtemps n'aient pas encore vu le jour, comme la possibilité de brancher plusieurs écrans sur la même console afin que vous puissiez enfin jouer dans de bonnes conditions avec vos amis en local, sans avoir un écran gigantesque.
Les exclusivités
Un des éléments les plus déterminants pour beaucoup de joueurs dans le choix d'une console plutôt qu'une autre est évidemment la bibliothèque de jeux disponibles. Un fan est souvent prêt à beaucoup de sacrifices pour pouvoir jouer à la suite de son jeu préféré, au point que cela peut totalement éclipser tout autre facteur, y compris certaines des horreurs listées dans le paragraphe précédent. Donc en ce sens la victoire de la PlayStation 4 est loin d'être acquise, car même si on peut assez objectivement lui accorder la main haute ailleurs, Microsoft de son côté s'est assuré une grande quantité de jeux aussi prestigieux qu'attendus en exclusivité. Évidemment, la PS4 possède aussi son lot d'exclusivités elle aussi.
Jeux exclusifs confirmés
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Xbox One | Playstation 4 | |
Dead Rising 3 | The Order : 1886 | |
Forza Motorsport 5 | Driveclub | |
Halo | Killzone : Shadow Fall | |
Minecraft : Xbox One Edition | Knack | |
Quantum Break | Infamous : Second Son | |
Ryse : Son of Rome | ||
Sunset Overdrive | ||
Killer Instinct |
L'impact de ces exclusivités sur les joueurs est à prendre à l'échelle individuelle donc, un joueur attendant autant le prochain Halo que Killzone pourrait avoir à faire un choix déchirant. Il est aussi possible que plus d'éditeurs de jeux soient convaincus par le chant de sirène de Microsoft de sortir leurs jeux en exclusivité sur la Xbox One, en leur promettant une bien meilleure rentabilité, grâce aux limitations mises en place sur le prêt et la revente, ce qui pourrait produire un effet boule de neige en faveur de cette dernière. Évidemment l'effet inverse n'est pas non plus totalement à exclure si les joueurs boudent la Xbox One ou les très nombreux titres moyens qui leur resteront sur les bras.
Master Chief sera t-il aussi capable de sauver la Xbox One ?
Et pendant ce temps-là, la Wii U...
Pendant que Sony et Microsoft se livrent leur guerre sur les consoles nouvelles génération, Nintendo poursuit l'édification de sa bibliothèque de jeux sur la Wii U. L'abandon progressif de la Xbox 360 et de la PS3 va probablement faire de la place au challenger qui dispose d'un prix plus modeste que les consoles Next Gen, et qui a annoncé lors de l'E3 de très nombreux jeux exclusifs disposant d'un fort potentiel. Ce ne sont pas forcement des Jeux AAA aux graphismes magnifiques, mais plutôt des jeux misant sur le fun à l'état pur entre amis, comme Mario Kart 8. Même si elle n'est pas non plus dénuée de titres plus sérieux capables de marquer les esprits, tels que X, l'héritier de Xenogear. Il faudra malheureusement attendre 2014 pour que cette console atteigne son plein potentiel.
Mario se rince l'oeil sur le postérieur de Samus Aran, ce qui rend Link Jaloux. Laissez-moi chercher un scénario aux combats de Super Smash Bros.
Les PC, spectateurs oubliés
En tant que PC-iste, je ne peux qu'être attristé par l'absence de nombreux titres prometteurs de mon support fétiche. De plus les exclusivités PC sont bien rares, et elles ne le sont généralement que parce que ce sont des jeux qui ne peuvent pas être portés aisément sur console pour des questions d'interface, comme c'est le cas avec Company of Heroes 2 ou Total War: Rome II. Je reviendrais probablement sur le relatif abandon des PC par beaucoup d'éditeurs dans un prochain éditorial.
Le bon point dans l'histoire, c'est qu'on peut profiter de la bagarre sans se sentir concerné.
Alors à qui revient la victoire ?
Beaucoup l'accordent déjà à la PlayStation 4, qui impose bien moins de contraintes aux joueurs, tout en étant significativement moins chère. Ce qui prend d'autant plus de poids quand on tient compte des jeux que vous ne pourrez pas revendre sur Xbox One. Les réponses de Microsoft à la presse sur les différentes critiques faites à leur console sont aussi assez méprisantes et peu concluantes dans certains cas. Cependant, je ne m'avancerais pas à enterrer la Xbox One, il ne faut pas oublier que la majorité des personnes qui vont acheter une des consoles ne seront que bien pauvrement renseignées, et que des fonctionnalités accessoires comme la télévision et la Kinect pourraient séduire les parents et les grands-parents mal avisés au moment de l'achat de Noël. De plus la très solide gamme d'exclusivités acquises par Microsoft ne manquera pas de faire chavirer plus d'un joueur.
Il faudra donc attendre les résultats des ventes de chacun des constructeurs, généralement une année pleine après la sortie de leur console respective afin d'avoir des chiffres pertinents, pour pouvoir vraiment déterminer qui est le « vainqueur ». En terme d'image auprès des joueurs, c'est Sony qui l'emporte cette fois-ci, du moins à mes yeux, parce que je hais au plus haut point toute tentative de brider les joueurs ou de leur imposer des contraintes, alors qu'ils ont payé leur console et leurs jeux au prix fort. Dans tous les cas à défaut d'avoir un vainqueur, nous savons qui sont les grands perdants : c'est nous, les joueurs. Certaines innovations qui mériteraient clairement d'être faites manquant toujours à l'appel, et surtout, les exclusivités fragmentent le marché des jeux, ce qui prive de nombreux joueurs d'un large panel de jeu, ou les force à investir dans plusieurs machines différentes.
Allez vous acheter la Xbox One, ou la PlayStation 4, ou aucune des deux ? Et à votre avis qui gagnera la guerre des consoles de cette génération ?