L’univers de Elden Ring et Shadow of The Erdtree ne se limite pas aux mythes édictés par la Volonté Suprême ou aux récits de l'Arbre-Monde. En marge de cette doctrine sacrée gravite une myriade de puissances anciennes, oubliées ou méprisées : les Dieux Extérieurs. Ces entités cosmiques, dont les influences se manifestent dans les mutations corporelles, les malédictions, ou les sorcelleries interdites, incarnent l’anti-norme : elles rejettent l’Ordre d'Or pour imposer leur propre vision de la réalité. Ces divinités, parfois adorées, parfois simplement tolérées par les plus désespérés, tissent dans l’ombre une toile de pouvoir et de corruption.
Bien qu’Elden Ring et son extension Shadow of the Erdtree mentionnent plus ou moins officiellement une douzaine de dieux extérieurs, nous avons choisi de traiter ici quatorze entités. Cet article inclut, au-delà des dieux explicitement nommés comme tels, plusieurs forces surnaturelles que le jeu présente comme équivalentes en pouvoir, en influence et en culte.
La Flamme Exaltée
Parmi tous les Dieux Extérieurs, aucun ne suscite autant de crainte la Flamme Exaltée. Cette entité brûlante n’a qu’un seul objectif : anéantir la structure du monde. L’influence de la Flamme Exaltée s’exprime dans le regard de ceux qu’elle a marqués — des yeux jaune vif striés de rouge — et dans la folie consumante qu’elle impose à ses adeptes. Elle se manifeste physiquement sous la forme d’une flamme aveuglante jaillissant de la surface même des êtres vivants, et surtout dans le pouvoir qu’elle offre au Seigneur de la Flamme Exaltée, l’une des fins les plus radicales du jeu.
Les Exaltés, comme Vyke ou Hyetta, cherchent la purification dans la dissolution du soi. Leurs corps sont souvent marqués de cicatrices et de brûlures, témoins d’un rituel où l’individualité se perd au profit d’un embrasement universel.
La Mère informe
La Mère informe est une entité dont le culte tourne autour du sang, de la souffrance et du deuil éternel. Elle est au cœur du pouvoir de Mohg, le Seigneur du Sang, qui tente de faire de Miquella un dieu à son image en l’offrant à cette divinité. Bien que jamais vue physiquement, la Mère informe se manifeste par le sang en ébullition, et par les motifs d’œil sanglant omniprésents dans la magie de Mohg.
Son essence semble liée à la maternité détournée, à la fécondité pervertie : elle n’enfante pas la vie, mais le pouvoir à travers le traumatisme. Les invocations de Mohg et les armes de ce type évoquent une dévotion viscérale, presque incestueuse. La Mère informe accorde ses faveurs en réponse à la souffrance, notamment celle infligée volontairement aux autres. Cette thématique de douleur féconde renvoie à un concept païen : celui du pouvoir né de la perte, un contraste avec l’Ordre d'Or qui glorifie la vie et l’harmonie.
Le Dieu de la Putréfaction Écarlate
Le Dieu de la Putréfaction Écarlate est sans doute l’un des plus puissants Dieux Extérieurs du monde d’Elden Ring. Associée à la région de Caelid et au culte de la déesse Malenia, la Putréfaction Écarlate est une corruption physique et spirituelle qui ronge les vivants comme les morts. Là où elle s’installe, la vie dégénère en infection, et l’ordre naturel est remplacé par une stagnation toxique. Contrairement aux autres dieux, celui-ci ne se manifeste pas par des visions ou des voix, mais par une progression inexorable, comparable à une maladie divine.
Le lien entre Malenia et ce Dieu est fondamental : en tant qu’Empyréenne, elle devait incarner un nouveau principe divin. Or, sa symbiose forcée avec la Putréfaction Écarlate l’a détournée de ce destin. La transformation de Malenia en Déesse de la Putréfaction n’est pas une victoire, mais une damnation. Le pouvoir octroyé par ce dieu semble refléter une réalité cruelle : la putréfaction peut être transcendée, mais jamais éradiquée. Le mythe de la régénération éternelle par la corruption elle-même rappelle les cycles d’érosion et de renaissance dans de nombreux mythes apocalyptiques.
La Volonté Suprême
Bien que parfois considéré comme le Dieu suprême du monde d’Elden Ring, la Volonté Suprême peut elle-même être perçue comme un dieu Extérieur. La Volonté Suprême est un pouvoir cosmique venu des cieux, qui régente l’Ordre doré à travers des intermédiaires comme les Deux Doigts.
Son autorité s’exerce par la loi, la grâce et la lumière. Mais cette lumière n’est pas bienveillante par essence : elle est directive, tyrannique, et souvent indifférente à la souffrance. Le destin des Empyréens, choisis pour devenir des vaisseaux de sa volonté, témoigne de cette froideur céleste. Marika elle-même, pourtant créée pour servir, finira par se rebeller contre ce dessein imposé. La Volonté Suprême n’a pas de voix propre, mais elle manipule le monde à travers des agents, des rituels, et des runes qui ancrent son dogme dans la matière. Elle se distingue des autres Dieux Extérieurs par son apparence de stabilité qui est en fait une forme de despotisme déguisée en providence.
La Lune noire
La Lune noire, associée à Ranni la Sorcière, incarne une forme d’éloignement volontaire du monde matériel et des lois imposées par la Volonté Suprême. Cette entité lunaire n’agit pas par invasion ou par corruption, mais par retrait. Elle offre à ses adeptes la possibilité de transcender le destin, d’échapper à la réincarnation forcée des runes, et de trouver une paix éternelle dans le néant froid du cosmos. Ranni, en se liant à cette puissance, rejette toute forme d’autorité divine traditionnelle, y compris celle de son père Radagon et de la Volonté Suprême.
Le pouvoir de la Lune noire se manifeste par la magie glaciale et stellaire, une sorcellerie raffinée qui transcende la chair. Ses fidèles, comme les astrologues ou les ermites lunaires, cherchent non pas à conquérir, mais à comprendre. La Lune noire offre une alternative poétique au chaos ou à la putréfaction : celle du silence, de la fin des cycles. En acceptant son influence, on embrasse une forme de mélancolie cosmique, une paix indifférente, mais sublime. La fin de Ranni, où le joueur devient son consort et part vers un monde où les dieux n’ont plus d’emprise, symbolise cette échappée vers le néant étoilé.
La Flamme noire
Avant que Maliketh ne devienne le porteur de la Rune de Mort, une figure mystérieuse appelée la Reine aux Yeux Crépusculaire contrôlait le pouvoir de la Flamme Noire. Cette dernière est une variation de la flamme divine, mais corrompue par la mort. Elle brûle non pas pour purifier ou anéantir, mais pour consumer la vie jusqu’à son essence, laissant derrière elle un néant silencieux. Elle incarne l’oubli, le rejet de toute gloire et l’extinction du souvenir.
La Reine aux Yeux Crépusculaire est une figure effacée des récits officiels, mais ses traces demeurent dans les Chevaliers du Feu Noir et les sorts de flamme noire. Contrairement à la Flamme Exaltée, qui déchaîne la destruction aveugle, la Flamme Noire est précise, mesurée, presque élégante. Elle est associée à la douleur des âmes déchues, à la mémoire des morts sans sépulture. Le fait que Maliketh ait vaincu cette reine, puis scellé la Rune de Mort, illustre la volonté de la Volonté Suprême d’étouffer tout ce qui pourrait contester l’immortalité divine.
Mais la présence persistante de la flamme noire, dans les catacombes et les reliques du culte de la Reine, laisse entendre que ce Dieu Extérieur n’est pas tout à fait vaincu. Il survit dans l’ombre, là où le souvenir des disparus reste plus fort que la lumière de l’Arbre-Monde.
Le Malédiction des Réprouvés
Parmi les divinités extérieures, l’une des plus mystérieuses est celle qui se cache derrière la Malédiction des Réprouvés, un fléau touchant notamment Morgott et Mohg. Ce Dieu n’est jamais nommé, jamais vu, mais il opère dans les marges les plus maudites de l’Ordre D'Or, exploitant ses tabous et ses contradictions. C’est un reflet de ce que l’Ordre refuse de voir : la cruauté, la ségrégation, la peur des difformités.
Les Réprouvés, nés avec des cornes et rejetés par la société, deviennent malgré eux les réceptacles de cette entité. Son influence transforme la douleur en force, la marginalisation en pouvoir. Ce dieu n’offre pas la gloire, mais la vengeance. Mohg, en devenant Seigneur du Sang et architecte de sa propre dynastie, incarne cette volonté de renverser l’ordre établi, de substituer à la grâce dorée un règne souillé, mais assumé. Ce Dieu sans nom n’est pas adoré dans des temples, mais dans le secret des égouts, des catacombes et des blessures mal refermées de l’histoire.
L'Ancien Dieu Dragon
Avant l'avènement de l'Ordre Doré, le monde était dominé par une autre lignée divine : celle des dragons anciens. Au sommet de cette ère trône Placidusax, seigneur draconique de la foudre et des cieux. Son histoire nous révèle l’existence d’un Dieu originel, disparu ou retiré du monde, que Placidusax servait jadis. Ce Dieu Draconique, oublié par la majorité des mortels, incarne une cosmogonie antérieure à celle de la Grande Volonté.
Ce Dieu ne laisse que des ruines, des murmures et des éclairs fossilisés. Il ne s’exprime plus, mais ses vestiges sont puissants : ils rappellent que le pouvoir céleste n’a pas toujours été monopolisé par l’Ordre Doré. Dans cette théologie alternative, les dragons sont les anges déchus d’un paradis disparu, porteurs d’un souffle sacré que les hommes ne comprennent plus. Placidusax attend encore, dans un rêve figé hors du temps, le retour de ce Dieu.
Le Courant Primordial
Le Courant Priomordial est une force cosmique énigmatique qui transcende les fondements mêmes de la magie dans le monde d’Elden Ring. Il ne s’agit pas d’un dieu dans le sens classique, mais d’une entité presque vivante, une conscience diffuse liée à l’origine de la sorcellerie. Cette force est perçue comme un flot d’énergie stellaire préexistant à l’Arbre-Monde, aux divinités et même au concept d’Ordre. Les sorciers Azur et Lusat, figures majeures de cette école ésotérique, ont tenté de renouer avec ce pouvoir oublié, au prix de leur propre humanité.
Leurs corps sont devenus les réceptacles d’une vérité insoutenable, réduits à l’état de statues. Ce pouvoir semble agir en dehors de toute morale, cherchant seulement à percer les illusions imposées par les dieux supérieurs.
Le Serpent dévoreur de dieux
Parmi les formes les plus tangibles et monstrueuses des dieux extérieurs figure le serpent Eiglay, logé dans les profondeurs du Manoir du volcan. Ce colosse reptilien, révéré par les hérétiques et fusionné avec Rykard, Seigneur du Blasphème, n’est pas un simple animal mythique, mais une divinité cosmique dont la vocation est de dévorer les dieux eux-mêmes. Eiglay est la représentation vivante du blasphème absolu : manger les dieux pour usurper leur pouvoir, briser l’ordre sacré par l’acte ultime de profanation.
Le culte qui lui est dédié n’est pas limité au manoir : dans le Royaume des Ombres, des indices comme les symboles retrouvés dans le village de Bonny laissent penser que son influence est plus vaste qu’on ne le croit. En s’unissant à lui, Rykard a choisi de devenir un dieu par la destruction des autres, symbolisant une philosophie radicale où la seule vérité est la puissance brute et la domination par l’absorption.
Le Serpent Abyssal
Derrière la figure tragique et implacable de Messmer l’Empaleur se cache une entité d’une horreur insondable : le Serpent abyssal. Contrairement au Serpent déchu Ryckard, qui s’est volontairement fondu dans la gloutonnerie d’un ancien dieu-serpent, Messmer semble être hanté ou possédé par une autre incarnation de cette entité reptilienne, plus sombre, plus primitive encore. Le Serpent abyssal confère à Messmer une flamme rouge écarlate, bien distincte de la Flamme Exaltée jaune ou du feu sacré de l’Arbre-Monde. Cette flamme n’est pas un feu purificateur, mais une énergie destructrice qui consume les êtres divins eux-mêmes, capable de ronger les dieux et les bêtes célestes jusqu’à l’oubli. À travers elle, Messmer mène une croisade de vengeance contre le panthéon et les dogmes établis.
Cette entité pourrait symboliser une pulsion ancienne et universelle de révolte contre l’autorité divine, une force qui érode les fondations du sacré pour faire place à l’oubli et à la souffrance. L’influence de cette entité sur Messmer ne fait que renforcer son aura de martyr consumé par une cause aussi divine que monstrueuse.
Le Dieu des oiseaux jumeaux
Parmi les entités les plus mystérieuses d’Elden Ring, le Dieu des oiseaux jumeaux se manifeste à travers les sombres silhouettes ailées connues sous le nom de Rapaces Funestes. Ces créatures, qui apparaissent souvent la nuit près de lieux chargés de mort, sont perçues comme les hérauts d’un dieu extérieur lié à l’extinction et à la transition entre les mondes.
Ce dieu, dont le nom véritable demeure inconnu, semble lié à une forme de flamme spectrale. Ces oiseaux ne sont pas simplement des bêtes, mais les agents rituels d’un culte funéraire oublié, dont les traditions précèdent l’Ordre d'Or. Leur mission : récupérer les âmes abandonnées, rejeter l’immortalité et restaurer un équilibre oublié, où la mort n’est pas un échec, mais une étape sacrée.
Le Dieu déchu
Longtemps avant l'avènement de l'Arbre-Monde, les géants vénéraient une entité primitive et informe représentée comme un être cyclopéen et monstrueux. Ce dieu, dont la Flamme des géants est la trace la plus manifeste, incarne un feu ancien et indomptable, bien antérieur au Feu sacré ou à la Flamme Exacltée. La reine Marika elle-même le redoutait, et mena une guerre contre lui pour sceller sa puissance.
Pourtant, la flamme n’a jamais été totalement éteinte. Elle vit encore dans les corps brûlés des géants de feu, dans les incantations des moines du feu, et surtout dans le Visage du fourneau, relique sculptée à l’image de ce dieu infernal. Ce dieu n’a pas besoin d’adorateurs : il brûle par nature, consumant même ceux qui s’en approchent. Pour certaines races marginalisées, cette flamme est à la fois une malédiction et une promesse de libération totale.
L'Étoile de sang
Entité insaisissable et terrifiante, l’Étoile de sang semble liée à l’école de sorcellerie des Ronces, ou Sorcelleries Aberrantes, une magie interdite et violemment rejetée par l’Académie de Raya Lucaria. Les Ronces du châtiment évoquent les coupables qui, ayant eu les yeux crevés par les ronces, furent condamnés à vivre dans l’obscurité éternelle : c’est dans ce néant qu’ils auraient aperçu pour la première fois l’Étoile de sang.
L’Étoile de sang, vision cauchemardesque de damnés, semble associée à des représentations démoniaques et pourrait être étroitement lié à la Mère informe. Le Coprophage, figure de souillure absolue, aurait, lui aussi, perçu cette étoile dans les ténèbres de ses crimes innommables.
Les créatures stellaires
La présence des Dieux Extérieurs dans l’univers d’Elden Ring semble avoir attiré bien plus que des adeptes ou des prophètes. D’étranges entités cosmiques convergent vers l'Entre-Terre, comme si une force gravitationnelle surnaturelle les appelait. Parmi elles, Astel, rejeton du Vide, incarne une intelligence étrangère et insondable. Cette créature arachnide et galactique parait avoir émergé d’une faille céleste, potentiellement liée au Courant primordial et à l’étude des astres. Les Bêtes stellaires, dont certaines apparaissent littéralement en s’écrasant comme des météores, renforcent cette idée d’une invasion venue des cieux.
Aux côtés de ces entités, on trouve les Seigneurs d’Albâtre et les Seigneurs d’Onyx, anciens magiciens issus de civilisations oubliées, capables de manipuler la gravité elle-même. Bien qu’ils ne soient jamais explicitement rattachés aux Dieux Extérieurs, leur affinité avec les forces célestes et leur présence dans des zones imprégnées de sorcellerie stellaire suggèrent une attraction indirecte. Certains érudits soutiendraient soutenir que c’est précisément l’observation obsessionnelle des étoiles et la quête de vérité cosmique qui a provoqué l’arrivée de ces êtres, bien avant celle des Dieux Extérieurs eux-mêmes.
Les dieux extérieurs d’Elden Ring et de Shadow of the Erdtree incarnent des forces primordiales, souvent terrifiantes, qui échappent à toute hiérarchie divine classique. Contrairement aux divinités de l’Arbre-Monde, ils ne cherchent ni adoration ni ordre : ils imposent leur présence par la ruine, la folie ou la connaissance interdite.