Depuis quelques années, les adaptations de jeux vidéo se font de mieux en mieux quand elles arrivent au cinéma ou à la télévision. Et parmi les licences qui ont eu droit au meilleur traitement possible, on retrouve bien sûr The Last of Us et sa suite The Last of Us Part II. L’occasion de retrouver les personnages préférés des fans du jeu vidéo en chair et en os, mais aussi de raviver des débats qui sont toujours d’actualité plus de 10 ans après la sortie du premier jeu…
Le créateur de The Last of Us clarifie un point qui faisait débat…
Depuis ce matin, la saison 2 de la série The Last of Us a apporté sa conclusion, préparant ainsi une troisième saison dont l’écriture vient tout juste de commencer. Mais si nous ne reviendrons pas sur ce nouvel épisode pour laisser le temps à tout le monde de le regarder, il est en revanche temps de se pencher sur un moment clé de l’épisode précédent : la fameuse scène sur le porche de la maison de Joel à Jackson. Dans la série HBO, c’est en effet à cette occasion que Joel et Ellie ont la conversation qu’ils auraient dû avoir depuis bien longtemps à propos de ce qu’il s’est passé à la fin du premier jeu et de la première saison : le moment où Joel élimine toute la base des Lucioles à Salt Lake City pour empêcher le père d’Abby de se servir d’Ellie dans l’espoir de faire un remède, ce qui aurait tué la jeune fille au passage.
Depuis la sortie du jeu en 2013, personne ne savait vraiment si un remède au cordyceps aurait vraiment pu être créé si Joel n’avait pas interrompu le processus. La réponse à cette question avait volontairement été laissée en suspens pour que les fans se fassent leur propre avis, et autant dire que c’est précisément ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent. En effet, le fait de savoir si Joel a eu raison ou non de massacrer tout ce beau monde pour sauver une seule personne au risque de condamner le reste de l’humanité était au cœur de beaucoup de débats depuis 2013, et ces derniers avaient repris quand de nouveaux fans ont été introduits à The Last of Us grâce à la série en 2023.
Mais dans l’épisode 6 de la saison 2 de The Last of Us, Joel semble confirmer à Ellie qu’un remède aurait bien été possible si le père d’Abby avait pu aller au bout de son projet. Bien sûr, au moment de la diffusion de l’épisode, beaucoup de spectateurs se sont tout simplement dit que ce n’était que l’avis de Joel lui-même, qui est clairement rongé par la culpabilité, et que cela ne confirmait pas vraiment les choses. Mais peu de temps après, le créateur du jeu vidéo Neil Druckmann a donné une interview dans le podcast Last Stand Media dans lequel il a confirmé que “Notre intention était que les Lucioles puissent créer un remède”. En confirmant cette information, Druckmann balaie donc le mystère de la main pour recentrer le débat sur ce qu’il voulait qu’il soit à l’origine, à savoir si sauver une personne vaut le coup face à sauver le plus grand nombre, question éternelle qui a déjà été posée un million de fois dans énormément de médias différents.
Malgré tout, Joel a fait le bon choix à la fin de The Last of Us
Le souci avec cette nouvelle déclaration, c’est que si elle aurait pu tenir debout concernant le jeu vidéo, elle vient complètement à l’encontre de deux des meilleurs moments de la première saison : ceux qui se déroulent avant le Jour de l’épidémie. Souvenez-vous. Dans la toute première scène de la saison 1 de The Last of Us, les spectateurs faisaient face à une discussion aussi décontractée que terrifiante entre plusieurs épidémiologistes sur le plateau de tournage d’une émission de télévision. Alors que le sujet de débat portait sur la survie de l’humanité face aux épidémies de différents virus, un des intervenants glaçait le sang de tout le monde en disant que s’il y a bien un mal contre lequel l’humanité ne saurait pas se défendre, c’est une épidémie d’infection fongique. A ce moment, il parle même du cordyceps parmi d’autres champignons dangereux, et explique clairement qu’il “n’existe pas de traitement, ni préventif ni curatif.” Il renchérit également en disant que c’est “impossible à fabriquer”, et conclut de façon terrifiante en disant que si une telle épidémie venait à voir le jour, l’humanité perdrait.
Alors bien sûr, cette fameuse émission présentée en introduction de la série est datée de 1968, et on pourrait se dire que la science a évolué depuis. Et c’est précisément là qu’intervient l’introduction de l’épisode 2 de la saison 1, dans lequel on se retrouve le 24 septembre 2003, soit deux jours avant le Jour de l’épidémie. On fait alors la connaissance de Ibu Ratna, une professeure en mycologie à l’Université d’Indonésie dont la série nous fait clairement comprendre qu’elle est l’une des spécialistes les plus éminentes du sujet dans le monde. Réquisitionnée par l’armée, on l’amène face à un corps humain infecté par le cordyceps pour qu’elle confirme que c’est bien de ce champignon dont il s’agit, alors qu’il était jusqu’alors impossible qu’un humain soit infecté de la sorte. Après avoir confirmé avec l’armée qu’il était impossible de retrouver le patient zéro et qu’une petite poignée d’infectés pourraient donc être en liberté à Jakarta sans pouvoir les retrouver, c’est Ibu Ratna elle-même qui apporte la solution que le monde entier suivra par la suite : tout bombarder.
Que les choses soient donc claires. Au moment où l’armée lui réclame un vaccin ou un remède contre le cordyceps, deux jours avant le Jour de l’épidémie, Ibu Ratna confirme qu’elle a “passé sa vie à étudier ces champignons” et qu’il n’existe “aucun remède” et “aucun vaccin”. Avec toutes les ressources du monde autant en termes de connaissances que de moyens humains et financiers, la conclusion de la spécialiste du cordyceps est donc de tout bombarder parce qu’une petite dizaine d’infectés cours les rues, et Neil Druckmann veut nous faire croire qu’un vaccin aurait été faisable par les Lucioles dans un monde post-apocalyptique où trouver un tampon et du paracétamol relève du miracle ?
Mais admettons. Il est vrai qu’au moment de cette scène, Ibu Ratna n’avait pas accès à une chose précieuse : un être humain immunisé au cordyceps comme Ellie. Mais même en prenant ça en compte, la méthode employée par les Lucioles et par extension par le père d’Abby est complètement aberrante, à la fois d’un point de vue éthique et d’un point de vue scientifique. Commençons par le point de vue éthique puisqu’il est le plus rapide : la moindre des choses aurait tout de même été de tenir Ellie au courant qu’elle allait perdre la vie si elle acceptait de servir de cobaye pour créer un remède. En lui cachant cette information cruciale, Ellie ne peut donc pas faire de choix consenti et éclairé, et procéder à l’expérience sur elle revient donc à un meurtre pur et simple, ce qui justifie d’ores et déjà le choix de Joel. D’autant que, vu le discours d’Ellie sur le porche de la maison de Joel dans l’épisode de la semaine dernière, il y a de fortes chances qu’elle aurait accepté de se sacrifier si on le lui avait demandé, ce qui aurait réglé cette question dans le sens des Lucioles au lieu de donner un point gratuit à Joel.
Mais même en laissant de côté l’éthique de ce choix, c’est d’un point de vue scientifique que cette expérience pose problème. Contrairement à ce que le mensonge de Joel laisse penser, Ellie est clairement unique en son genre et les immunisés ne courent pas les rues. A ce jour, personne ne sait encore exactement comment elle a pu devenir immunisée, même si on se doute que ça a clairement à voir avec le fait que sa mère ait été mordue au moment d’accoucher (ce qui est loin d’être une situation que l’on peut facilement reproduire, d’autant qu’on ne sait pas précisément à quel moment l’immunité est créée). Puisqu’Ellie sera donc certainement la seule immunisée que les Lucioles pourront croiser, elle devrait donc être considérée comme l’être humain le plus important de la planète qu’il faut à tout prix protéger et garder en vie afin de pouvoir l’étudier en profondeur. A ce stade, quelles que soient les recherches effectuées par le père d’Abby qui aient pu le mener à la conclusion qu’il serait capable de faire un vaccin, elles relèvent de la pure théorie. Avant d’assassiner la seule immunisée qu’ils puissent avoir, il serait tout de même assez judicieux de procéder à quelques tests. Que ce soit clair, si une chose pareille arrivait aujourd’hui, aucun scientifique ou médecin, et encore moins une équipe d’experts capable de créer un vaccin, ne choisirait de tuer le seul sujet immunisé.
Pour que l’équipe des Lucioles puisse créer un vaccin, il aurait donc fallu qu’Ellie soit mise en sécurité et qu’on lui fasse une batterie de tests pour comprendre précisément d’où vient son immunité, puis de tenter de reproduire cette immunité d’une façon ou d’une autre avant de la tester sur des souris, des primates, et enfin des humains. Jusqu’à tomber sur quelque chose de valable, tuer Ellie reviendrait à sacrifier leur seule chance possible de rebondir en cas d’échec et donc à condamner l’humanité… soit exactement ce que l’on a reproché à Joel quand il a tué le père d’Abby.
Bref, que ce soit à la fin du jeu The Last of Us ou de la saison 1 de la série HBO, et que ce soit en prenant en compte l’aspect éthique ou scientifique, il n’y a que peu de doutes sur le fait que Joel ait eu raison de tout faire pour stopper les bêtises des Lucioles. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que Joel est un parangon de la vertu et qu’il a eu raison sur toute la ligne. Mais ses erreurs commencent en fait après ce moment fatidique à Salt Lake City : au moment où il ment à Ellie pour la protéger tout en lui jurant de dire la vérité. En empêchant Ellie de connaître la vérité, il l’empêche également de comprendre pourquoi il aurait pu avoir raison de faire ce qu’il a fait, et il laisse s’instaurer un doute qui prendra de plus en plus de place dans l’esprit de la jeune fille, ce qui mènera à la situation que l’on connaît. Finalement, qu’importe si un remède était possible ou non. La vraie morale dans cette histoire, que ce soit du point de vue des Lucioles ou de Joel, c’est qu’il faut dire la vérité aux gens que l’on aime ou qu’on respecte. Sinon, ça s’appelle de la manipulation, quelle que soit la “noble” raison derrière.










