Aujourd’hui encore, presque 40 ans après la publication du tout premier jeu vidéo estampillé The Legend of Zelda, il existe de très nombreuses personnes qui restent convaincues que Zelda n’est autre que le héros en tunique verte que le joueur contrôle tout au long de l’aventure. Et comment les blâmer quand Link a toujours été le personnage principal alors que la Princesse Zelda était reléguée au rang de damoiselle en détresse ? Heureusement, ce personnage a bien changé en 40 ans d'existence, et on se dirige enfin vers une fin des stéréotypes.
Zelda est passée par de nombreuses étapes à travers le temps…
Si vous avez commencé à jouer à The Legend of Zelda avec Breath of the Wild et Tears of the Kingdom, vous voyez certainement la princesse Zelda comme un personnage développé, complexe et prête à faire de nombreux sacrifices pour sauver le royaume d’Hyrule et ses habitants. Mais avant d’en arriver là, autant dire qu’elle est passée par beaucoup d’étapes beaucoup moins glorieuses. Dans le tout premier jeu vidéo de la licence (qui portait déjà pourtant son nom), c’est à peine si elle était présente. On savait qu’elle avait divisé la Triforce en 8 pour empêcher Ganon de la voler… et qu’elle avait été capturée par ce dernier. A partir de ce premier jeu et pendant de nombreuses années, Zelda n’était donc qu’un personnage en détresse qu’il fallait sauver des griffes de l’antagoniste, même si elle a tout de même eu quelques lignes de dialogue supplémentaires assez rapidement.
La première véritable évolution de la princesse Zelda intervient avec l’un des épisodes les plus mythiques de la saga : Ocarina of Time, sorti en 1998 sur Nintendo 64. Dans ce dernier, elle aide Link en se transformant en un personnage mystérieux pour cacher son identité : le fameux Sheik. Sous cette forme, elle devient une véritable guerrière dotée de capacités physiques développées, sans parler de son indépendance et de ses connaissances. Seulement voilà, il a fallu qu’elle prenne une apparence secrète et surtout masculine pour en arriver là. D’ailleurs, même dans Ocarina of Time, il suffit d’arriver au moment où son identité est révélée au grand jour pour qu’elle reprenne immédiatement son rôle de princesse capturée.
Et ce sentiment doux-amer en voyant le potentiel que pourrait avoir Zelda avant qu’il ne soit gâché par un stéréotype sexiste bien ancré dans les esprits, les joueurs ne l’ont pas vécu que dans Ocarina of Time. Quelques années plus tard, en 2003, The Wind Waker faisait le choix osé de remplacer la princesse Zelda par le personnage de Tetra, une capitaine de navire pirate à la personnalité plus qu’affirmée. Fini le rôle passif de demoiselle en détresse, Tetra est un personnage qui prend ses propres décisions… jusqu’à ce qu’on apprenne qu’elle renfermait en elle l’esprit de la princesse. Et là encore, à partir de ce moment, Zelda redevient passive et se cache pour éviter de se faire capturer.
Breath of the Wild, Tears of the Kingdom, Echoes of Wisdom… vers une Zelda beaucoup plus active ?
Vous l’aurez compris, même si la princesse Zelda a montré à plusieurs reprises qu’elle en avait sous la pédale, elle a très longtemps continué d’être limitée par un rôle beaucoup trop passif. Un sentiment que l’on a également retrouvé dans Twilight Princess malgré un design et une écriture plus dramatiques, et à moindre mesure dans Skyward Sword même si ce jeu a au moins permis à Zelda d’avoir un vrai arc narratif dédié. Mais en 2017, The Legend of Zelda : Breath of the Wild a enfin trouvé un moyen un peu plus intéressant de rendre la princesse plus intéressante.
Contrairement à la plupart des autres jeux de la saga, dans Breath of the Wild, la princesse Zelda est omniprésente. Certes, on ne la voit pas directement puisqu’il est toujours question de la “sauver”, mais tout le scénario du jeu tourne autour d’elle et de ce qu’elle a dû faire pour sauver le royaume. Grâce aux souvenirs parsemés sur la carte, le joueur découvre que Zelda est enfin un personnage complexe et humanisé. Elle a ses propres craintes, ses propres amis, son propre but, et n’est plus simplement la personne qui va permettre à Link de briller. Au contraire, c’est elle qui, grâce à son sacrifice, permet de tenir en laisse le Fléau de Ganon. Pour beaucoup, elle peut même enfin être considérée comme la véritable héroïne de l’histoire.
En 2023, Tears of the Kingdom reprenait plus ou moins le même schéma en poussant encore davantage le rôle actif de Zelda. Là encore, on ne la voit pas directement en compagnie du joueur, mais elle vit sa propre aventure en parallèle à celle de Link, dans une temporalité différente. Cependant, comme dans Breath of the Wild, on remarque qu’elle ne peut réellement briller que par un sacrifice ultime. Un choix qui permet certes de créer une histoire dramatique et engageante, mais qui ne fait que passer d’un stéréotype sexiste à un autre : passer de la demoiselle en détresse à celle qui se sacrifie pour les autres. C’est plus noble et c’est surtout beaucoup plus à son honneur, mais on reste loin du traitement que peuvent avoir les héros masculins.
Et puis bien sûr, on en arrive enfin à Echoes of Wisdom sorti l’année dernière. Pour la première fois de l’histoire de la saga principale, Zelda devient enfin le personnage principal jouable, et les rôles sont même inversés puisque c’est elle qui doit sauver un Link capturé. Cette inversion s’arrête d’ailleurs là puisque Nintendo a choisi de faire de Zelda un personnage bien différent, qui se sert de ses propres avantages et outils pour avancer dans l’aventure et qui sont bien différents de ceux du héros à la tunique verte. Après presque 40 ans d'existence, la princesse Zelda est donc enfin devenue un personnage actif, même si on aimerait maintenant qu’elle ait le même traitement dans un jeu aussi ambitieux qu’un Breath of the Wild ou qu’un Tears of the Kingdom. Reste également à savoir si elle conservera désormais ce statut à travers les prochains opus, quitte à la rendre jouable en parallèle à Link ou à en faire un véritable allié qui évolue en même temps que le héros.













