Les histoires d’addiction aux jeux vidéo ne sont pas nouvelles, mais rares sont celles qui se terminent devant un tribunal, et encore moins en faveur du joueur. Dans un monde où les MMORPG ont façonné des générations entières de passionnés, certains y ont laissé bien plus que des heures de jeu.
C’est précisément ce qui est arrivé à Craig Smallwood, un joueur originaire d’Hawaï, dont la relation obsessionnelle avec Lineage II s’est soldée par un procès inédit contre son éditeur, NCSoft.
Un joueur piégé par l'addiction à Linéage II
Les MMORPG ont toujours exercé un pouvoir d’attraction singulier. Dans les années 2000, ils représentaient la quintessence du jeu vidéo communautaire : mondes ouverts persistants, avatars personnalisés et progression infinie. Parmi eux, Lineage II, développé par NCSoft, figurait parmi les plus chronophages. C’est dans cet univers médiéval-fantastique que Craig Smallwood, un joueur originaire d’Hawaï, a passé plus de 20 000 heures, soit environ 833 jours cumulés.
Au fil des années, cette immersion totale a fini par déborder sur la vie réelle de Craig Smallwood : troubles émotionnels, isolement social et dépression sévère. Hospitalisé à plusieurs reprises, il a estimé que l’éditeur portait une part de responsabilité en ne prévenant pas suffisamment les joueurs des risques d’addiction liés à son jeu.
En 2010, l’affaire est portée devant le tribunal fédéral de Honolulu. Le juge Alan C. Kay reconnaît alors la recevabilité de la plainte, une décision exceptionnelle dans un domaine où les clauses d’utilisation protègent habituellement les entreprises.
Un précédent juridique mais pas une révolution
Ce verdict, vieux de quinze ans aujourd’hui, demeure une rareté absolue. Peu de joueurs ont depuis obtenu gain de cause contre un éditeur pour des motifs d’addiction. L’affaire Smallwood a cependant eu un effet dissuasif : elle a poussé plusieurs studios à renforcer leurs avertissements sur les comportements à risque et à préciser les conditions d’utilisation de leurs services.
Si cette affaire suscite encore des débats, elle pose une question fondamentale : jusqu’où s’étend la responsabilité des créateurs de jeux vidéo ? Peut-on réellement imputer à un éditeur la perte de contrôle d’un joueur adulte, ou s’agit-il d’un problème relevant de la santé publique et de la prévention ?
Les experts s’accordent sur un point : les jeux en ligne, notamment les MMORPG, exploitent souvent des mécanismes psychologiques puissants : récompenses aléatoires, boucles de progression infinies, sentiment d’appartenance à une communauté, qui peuvent favoriser la dépendance.







