
Alors que la rentrée a vu les cortèges d'écoliers et d'étudiants retrouver les bancs des écoles, d'autres se préparent aux grands changements. Le changement, c'est l'argument marketing du vendeur d'idées, le rouage « numéro un » des plans d'avenir de tout bon intellectuel ou politique. Et puis ça permet aussi aux industriels de renouveler les produits dans les rayons de vos magasins préférés.
Pour peu que l'on soit sensible aux théories hasardeuses et aux prédictions astrologiques, ce ne sont clairement pas les promesses de Nostradamus qui vont entretenir les plus gros fantasmes des mois qui arrivent. Allez au pire, on aura peut être droit à un énième film hollywoodien sur une fin de monde apocalyptique, avec les effets spéciaux qui vont bien et qui ont coûté le PIB du Togo. On pourrait même déjà en imaginer les murs aquatiques immenses des tsunamis rasant les capitales du monde, pop-corn en main.
À la rigueur, on entendra bien parler de menaces de pluies nucléaires entre deux pubs aux alentours de 20h, surtout si l'anticyclone géopolitique international ne dissout pas les nuages qui obscurcissent les cieux de notre futur immédiat. Si la guerre guette, ça n'est jamais étranger aux crises économiques, ces monstres au sang froid qui se dopent aux billets verts et aux injections de pétrole par intraveineuses.
À quand le retour sur les accords de Bretton Woods, vous dîtes-vous, histoire que l'on s'échange les PO comme à la belle époque des premiers mois sur WoW ou Planescape Torment ? Nous n'en sommes peut être pas loin, figurez-vous.
La rentrée 2012, c'est aussi la dernière ligne droite dans le calendrier politique avant les élections présidentielles américaines. Vous vouliez de la présidence normale ? Aux USA on a une idée concrète du concept. D'ailleurs on a une idée concrète sur bien d'autres choses, y compris sur la manière de promouvoir l'événement politique. Prenons par exemple Barack Obama, le président sortant, et bien évidemment candidat à sa succession.
C'est un peu votre « buddy » quand vous le voyez à la pizzeria du coin et que vous lui témoignez votre affection en lui faisant un « hug » devant les caméras et les appareils photos. Mais le lendemain, le bonhomme peut envoyer ses avions sur n'importe quel pays du globe pour en raser les points stratégiques d'un simple ordre. C'est un peu tout le paradoxe des USA.
Déjà, imaginez-vous que Jean Dujardin puisse devenir un jour président de la République ? Ou encore que Jean Paul Belmondo puisse entrer au Sénat ? Si vous croyez que c'est une mauvaise blague, c'est bien parce que vous n'êtes pas américain.
Ronald Reagan a bien joué avec James Dean et le gouverneur de Californie a bien été "Monsieur Univers" et accessoirement machine à tuer venue du futur dans Terminator. Une autre idée de la réalité et du rapport à la culture certainement. Et le jeu vidéo dans tout ça ?
Ronald Reagan acteur et homme d'État américain, 40e président des États-Unis, de 1981 à 1989
Eh bien cette année, une fois de plus, le jeu vidéo va jouer un rôle qu'il ne faudrait pas marginaliser dans la campagne du président sortant. Il faut dire que le média est devenu le loisir préféré des populations occidentales, et c'est une donnée reçue cinq sur cinq par les spécialistes de la propagande.
Placarder ses affiches là où on s'y attend le moins, saturer l’espace public de messages, c'est aussi ça le travail des artisans de la campagne d'un candidat. Cet automne, le jeu choisi pour se lancer dans la course à la Maison Blanche par les assistants de Barack Obama est Madden NFL 13. Un jeu de football américain qui s'est vendu en quelques semaines à près de 2 millions d'exemplaires. Un produit très « corporate » avec des valeurs fortes, du jeu d'équipe et un côté populaire qui touchera un maximum de personne. Le genre de « move » médiatique qui peut fleurer le touchdown.
Cette campagne publicitaire, qui s'est certainement conclue moyennant gros chèques et poignées de mains amicales avec l'éditeur EA, sera visible dans les États de l'Ohio, du Nevada, Colorado, Iowa, New Hampshire et en Virginie. Un choix qui n'est pas si anodin car si l'on compare ce ciblage ponctuel aux résultats de l'élection 2008, on s'aperçoit que les États du Colorado, de l'Ohio ou du Nevada, par exemple, avaient voté majoritairement « Républicain » à l'époque. Les Spin-Doctors ne se reposent donc jamais, c'est bien vrai.
D'ailleurs dans le contrat signé avec l’éditeur, le cabinet de campagne du président sortant s'est aussi adjugé la possibilité d'apparaître dans des jeux mobiles tels que Tetris ou le Scrabble. Histoire que tout le monde soit touché.
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Apparaître dans un jeu vidéo pour y faire campagne, est-ce si exceptionnel au pays de l'Oncle Sam ? Pas vraiment, tant qu'aucune loi ne l'interdit - les américains interdisent bien le fait de chevaucher un chameau sur une autoroute (pour l’État du Nevada) – tout est possible.
D’ailleurs déjà en 2008, Barack Obama s'était affiché en grand format dans un jeu de caisse déjanté : Burn Out Paradise. Le jeu de course arcade de Criterion avait comme terrain de jeu une ville répondant au nom de Paradise City. Un programme pour vendre du rêve à n'en pas douter. Là encore l'éditeur du jeu était EA et Giga Om, la directrice de la communication, expliquait : « Comme la plupart des télévisions, des radios et des magazines, nous acceptons des publicités en provenance des candidats politiques crédibles » et que bien évidemment « ces publicités ne reflètent en rien la stratégie politique d’EA, ni l’opinion de ses équipes de développeurs. »Business is business, n'est-ce pas ? Jusque dans les sondages, le politicien s'invite chez les joueurs. Quand on fait les choses autant ne pas les faire à moitié...
Le jeu vidéo est bien souvent associé à des marques, des sponsors vont même jusqu'à investir des fortunes dans ses compétitions les plus reconnues et aux USA, il n'y a rien d'anormal à ce qu'en matière de communication le média soit entré comme une alternative logique dans la promotion d'un candidat politique.
Chez nous en France, François Hollande est perçu ou se veut le Président de la normalité. On le voyait cet été se balader en chemise blanche, le teint halé, dans les rues de Bormes les Mimosas, allant serrer la main des autochtones étonnés mais ravis. Aux USA, quand Barack Obama fait les courses il passe acheter Just Dance pour ses filles et rentre avec des pizzas pour le dîner. « Dat President ».
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En matière de normalité - si tant est que ce soit le cas ou un but à atteindre pour promouvoir l'image du présidentiable - la France a bien 10 ans de retard. Au passage, pour les fêtes Nintendo et Ubisoft se sont offerts le meilleur VRP du monde pour promouvoir leur jeu. Just Dance 3 décollera dans les charts à sa sortie, tout le monde voulant jouer au « même jeu que le Président des USA ». Jackpot pour les deux partis.
Il faut dire que la France de De Gaule, François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy, ne ressemble pas tout à fait à cette Amérique qui s'est construite d'est en ouest, vite et verticalement. Si ici, certains ont pu s'attacher les services de publicitaires qui ont fait la promotion de montres de luxe au détour d'une interview télévisée pour argumenter l'idée de réussite sociale, aux Etats-unis on pense par et pour le média.
L' « entertainment » y a toujours, bien évidemment, joué un rôle important. On pourrait à ce sujet se rappeler que, déjà, le Président Eisenhower avait fait appel en 1952 aux studios Disney en vue de réaliser un dessin animé pour sa campagne présidentielle. C'est là tout l'angle idéologique qui diffère avec notre manière de procéder. Oui, ce serait chouette et sûrement très sympathique aussi de voir ici « Kirikou » ou « Arthur et Les Minimoys » faire la promotion de Monsieur Fillon pour les primaires de l'UMP, mais aussi très improbable. Alors imaginez un jeu vidéo ? Pourtant les choses changent, vite, très vite même.







