Malgré ses défauts, Kingdom Come Deliverance premier du nom fut une des grosses surprises de 2018 et le jeu s'est grandement bonifié au fil des ans et des patchs. Après une longue attente, voici enfin Kingdom Come Deliverance 2, qu'on a pu tester en profondeur, puisque le studio a eu le courage de fournir une version complète, un mois avant la sortie, ce qui mérite d'être salué.
- Genre : Action-RPG, Monde-ouvert, Médiéval
- Date de sortie : 4 février 2025
- Plateformes : PC, PS5, Xbox Series
- Développeur : Warhorse Studios
- Éditeur : Deep Silver
- Prix : 59,99 €
Bohème de loin
On est bien loin d'approcher du niveau de Black Myth Wukong, mais Kingdom Come Deliverance 2 s'avère assez convaincant graphiquement. Les paysages et les décors sont très réalistes, tout comme les visages lors des très nombreuses cutscenes dont dispose le jeu. Le reste est plus mitigé, avec des modèles et des textures bien plus pauvres qui peuvent être repérés dès qu'on y prête un peu plus attention. Les vidéos et les screenshots devraient vous aider à développer votre propre opinion si ce n'est pas déjà fait. Il est indéniable que Kingdom Come Deliverance 2 est nettement plus beau que le premier titre, heureusement.
Une fois encore, le nombre de cutscenes faisant usage du moteur du jeu et surprenant, il y en a probablement plusieurs heures au total. La quantité de dialogues disponibles s'avère absolument massive aussi et ils sont entièrement doublés dans plusieurs langues dont le français. Du moins, c'est l'intention des développeurs, puisque le doublage semble avoir pris du retard.
De nombreuses sections sont doublées par des IA, voire complètement dénuées de son. Des phrases encore en anglais se glissent parfois dans les dialogues et des erreurs de traduction sont présentes dans l'interface. Rappelons qu'on a joué sur une version du jeu disponible un mois à l'avance. Comme la quantité notable de bugs rencontrés durant notre aventure, même si aucun d'entre eux ne s'est avéré bloquant. Cela sera sûrement moins prévalent lors de la sortie officielle, mais il ne faut pas s'attendre à ce que cela soit parfait.
Les 2 frères
Venons-en à l'histoire. Les habitants du Royaume de Bohème font face à un sérieux dilemme en 1403, ils doivent choisir entre un alcoolique paresseux et un tyran roux pour le poste de roi. Cela divise profondément la noblesse et notre pauvre Henry, un simple fils de forgeron, se retrouve impliqué dans le conflit lorsqu'une armée de Sigismond rase son village et tue ses parents. Le premier jeu permettant de suivre son ascension dans l'échelle sociale en tant que pseudo-chevalier. Le premier opus prenait fin lorsqu'il se retrouvait chargé de protéger le jeune et pétulant seigneur Hans Capon, alors qu'il s'en va livrer une missive diplomatique au camp adverse.
Tous ceux qui ont raté le premier jeu peuvent être rassurés, des cutscenes, flashbacks et dialogues permettent de découvrir tous les événements majeurs au prix d'un certain détachement émotionnel. Henry lui-même du mal à saisir les subtilités de la situation géopolitique extrêmement complexe du moment, c'est tout à fait dispensable. Il faut bien dire que dans KCD, le protagoniste n'est pas l'élu, ni même un héros destiné à mener des armées. C'est plutôt un bras droit très compétent lorsqu'il ne fait rien de stupide. Il se retrouve surtout chargé des basses besognes et des tâches ingrates, voire dangereuses. Le nombre de blagues basées sur la matière fécale concurrence presque un épisode de South Park.
Comme il est impensable de laisser tous ses niveaux et son équipement de haut niveau au joueur, d'un jeu à l'autre, la situation tourne vite au vinaigre. Henry et Hans se retrouvent vite blessés et nus comme des vers. L'habit faisant souvent le moine à l'époque, le seigneur local leur donne droit à une réception digne d'un château français dans Monty Python, lorsqu'ils tentent de justifier leur identité. Nos deux compères vont devoir coopérer pour s'en sortir, mais rien n'est jamais simple. Être bien habillé et ne pas être couvert de boue est important dans ce jeu. Il est plaisant et réaliste d'avoir un jeu dans lequel les PNJ jugent en permanence notre apparence.
Sans en dévoiler davantage, on peut dire que l'histoire de Kingdom Come Deliverance 2 est très bien menée. Riche en péripéties, elle propose des situations très variées et souvent inattendues. Les débuts en tant que vagabond sont modestes, mais des grandes batailles, ainsi que des sièges de châteaux vous attendent par la suite. Elle permet aussi de découvrir les différentes strates de la société médiévale avec ses trois classes, chacune avec des droits et une attitude propre. Un des plus grands mérites de KCD2 est qu'il cherche à respecter les mentalités et le contexte de l'époque. Autant dire que la société médiévale de l'Europe de l'est, baignant dans le catholicisme, peut choquer les sensibilités modernes.
Presque tout le monde est raciste et sexiste. La différence dans l'attitude des personnages est particulièrement marquée avec les groupes les plus marginalisés comme les Roms et les Juifs et même vis-à-vis de certaines professions. Un point amusant est que c'est justifié dans notre cas, puisque lorsque des crimes sont commis en ville, on se retrouve le premier à être soupçonné (à raison) en tant qu'étranger. Pendant que les petites gens mènent de courtes vies, sales et brutales, les seigneurs se font la guerre, et le clergé se préoccupe surtout à l'au-delà.
Il est toujours fascinant de découvrir une représentation relativement fidèle l'ère médiévale, plutôt que de simplement coller un skin médiéval en lissant le reste pour éviter de choquer (Oui, c'est toi qu'on regarde Dragon Age: The Veilguard). Ceci étant dit, il est apparent que le studio ne fait pas l'apologie des mœurs de l'époque, comme le prouvent toutes les tragédies qu'elles causent lors de nos aventures en Bohème. Mais KCD2 n'est pas non plus moralisateur et il n'oublie pas non plus d'être drôle.
L'ignorance et les superstitions sont les excuses idéales pour proposer des quêtes complètement stupides et absurdes aux yeux du joueur, ce qui les rend d'autant plus amusantes lorsque Henry répand de l'eau bénie après avoir ramassé des "crottes de démon". Les situations cocasses s'enchaînent et si vous appréciez l'humour paillard débridé, vous devriez vous régaler. Warhorse Studios ne rougit visiblement pas à l'idée de faire des blagues vulgaires et c'est tant mieux. Henry en profite aussi, puisqu'un certain nombre de romances potentielles et de scènes évocatrices viendront ponctuer son aventure.
Les différentes situations rencontrées peuvent être gérées de différentes façons lors des dialogues, qui sont encore plus riches qu'auparavant. On peut faire usage de son éloquence et de son charisme, comme précédemment, mais il est aussi possible de prendre le chemin inverse et d'intimider les gueux avec une apparence menaçante et effrayante. Même être complètement saoul peut vous aider à convaincre les gardes de fermer les yeux après un faux pas. KCD2 conserve aussi son petit côté immersive sim, ce qui permet souvent de régler la situation de manières inattendues. Si vous n'aimez pas discuter, faire les poches de votre cible, voire lui mettre directement votre poing dans la gueule est aussi une option.
J'ai trébuchet chef
Le système de combat de Kingdom Come premier du nom ne nous avait pas vraiment convaincus. L'IA était beaucoup trop compétente et la riposte après un blocage parfait était souvent la seule approche viable pour le joueur, en plus d'être surpuissante. Le système de feintes et de combos était difficile à utiliser et l'IA en profitait pour réaliser ses propres ripostes. Dans cette suite, les combats sont plus accessibles, puisque l'étoile de direction des attaques se voit simplifiée. Les coups d'estoc et les directions du bas ont été fusionnées. Ces attaques sont à présent incorporées aux combos, qui sont forcément devenus plus simples à réaliser.
La prise en main est plus simple, mais n'allez pas croire que les affrontements sont devenus superficiels, du moins au départ. Il est toujours possible de riposter après un blocage parfait, mais bloquer cette contre-attaque, pour riposter à son tour, est aussi possible. Cela peut donner un échange de coups prolongés entre deux adversaires, c'est là que la direction des attaques entre en jeu, ainsi que le nouveau coup de maître, réservé aux épées. Cela demande de prendre des risques ou de bien anticiper, puisque au lieu de bloquer, il faut attaquer depuis la direction opposée à la place.
En réussissant votre coup, vous allez à la fois bloquer et endommager l'adversaire, dans le cas contraire, vous allez souffrir. Le problème avec le coup de maître est qu'une fois maîtrisé, il s'avère bien trop puissant et la solution à n'importe quel problème. Avec une épée longue à la main et un bon build, Henry va tuer n'importe quel ennemi en un ou deux coups. Affronter toute la garnison d'un château en solo devient simple dans ce contexte. Les combats perdent alors toute leur profondeur et les autres armes ont l'air pathétique en comparaison.
De son côté, l'arc ne dispose toujours pas d'une mire facilitant la visée, ce qui rend son utilisation assez frustrante au départ. Mais on peut voir l'introduction de l'arbalète comme une sorte de mode facile, puisque comme dans le monde réel, elle est bien plus simple à utiliser et plus précise, au prix d'une cadence de tir très inférieure. C'est d'autant plus vrai pour les versions les plus puissantes exigeant d'utiliser une manivelle. La combinaison de ces deux éléments rend les combats bien plus agréables, mais trop simples. Par la suite, des arquebuses, des armes à feu primitives deviennent disponibles, si vous tenez à expérimenter avec ces armes combinant imprécision, puissance et explosion spontanée.
Les experts pourront aussi débloquer de nouvelles capacités et de nouveaux combos pour épicer les choses s'ils le souhaitent. Toutes les armes ont aussi droit à des combos spécifiques et à des compétences à présent, y compris les armes d'hast, qu'on peut enfin ranger dans l'inventaire. Se battre à cheval tel un chevalier à la lance est devenu une approche un peu plus viable tant que vous évitez de le faire en forêt. Se retrouver sur le postérieur après avoir mangé une branche dans les dents est humiliant.
N'oublions pas de mentionner que les mini-jeux ainsi que la fabrication ont aussi été améliorés. L'alchimie est un peu moins lente, même si elle reste aussi intuitive que l'utilisation d'un Minitel. Elle permet de produire différents consommables utiles dont des potions de soin, ce qui est une des rares entorses faites au réalisme. Le jeu de dés est aussi de retour, il inclut des insignes offrant un aspect tactique, mais il souffre toujours de la même lenteur accablante. Voir l'IA prendre tout son temps pour jouer pendant qu'un spectateur pénible utilise la même provocation en boucle donne envie de se lever et de sortir son épée.
De leur côté, les mini-jeux de crochetage et de vol à la tire sont presque inchangés, on se fait à leur fonctionnement, même s'il demeure parfois aléatoire. La nouveauté notable. Henry renoue avec son passé de forgeron et les meilleures armes du jeu finiront par sortir de sa forge. C'est à la fois économique et satisfaisant d'étriper les Coumans avec une épée qu'on a forgée soi-même. Il est regrettable que tous les types d'armes, comme si on n'avait pas déjà assez de raisons d'utiliser une épée.
En plus du cheval que vous finirez par acquérir d'une manière ou l'autre, Henry peut aussi retrouver son plus fidèle compagnon du premier jeu. On ne parle évidemment pas d'Hans, mais de Cabot, son chien. Ce brave molosse est capable d'attaquer, de chasser pour vous, de découvrir des trésors et surtout, d'utiliser sa spécialité : casser les oreilles de tout le monde en aboyant. Heureusement qu'il a été un peu nerfé dans ce domaine et il ne hurle plus à la mort dès qu'on met les pieds dans un bâtiment. Il reste un atout important et sa capacité à renifler un objet permet de résoudre facilement certaines énigmes. Dommage qu'il ait tendance à être gênant et à se placer au pire endroit possible lorsqu'on tente d'interagir avec un objet, un peu comme mon propre chien. Et comme ce dernier, on peut le nourrir, le caresser ou le battre pour se défouler (Allo la SPA ?).
Migration urbaine
Ce second volet de Kingdom Come se déroule dans deux régions, chacune avec une vaste carte bien distincte de l'autre. On démarre dans la campagne boisée entourant l'imposant château de Trosky, avant de s'aventurer dans la campagne tout aussi boisée entourant la seconde plus grande ville du royaume. Dans tous les cas, ne vous attendez pas à croiser des pics enneigés, des volcans ou des déserts pour autant, la réalité historique et celle géographique priment. Dans la seconde région, une métropole digne de ce nom nommée Kuttenberg vous attend. Ce n'est pas Prague, mais cette grande ville déborde de vie. Les rues et les bâtiments sont vraiment bondés.
De plus, ce n'est pas que de la poudre aux yeux. Presque tous les PNJ croisés ont une routine bien définie, même s'ils n'ont pas de nom. Durant la nuit, ils dorment à un endroit précis, en entreposant leurs affaires dans un coffre. Ils vont manger à l'heure des repas, puis ils vont travailler, etc. Cela impose pas mal de limites lorsqu'on veut les trouver et leur parler, surtout si on veut faire ses courses au milieu de la nuit, mais ce sont aussi des opportunités pour les détrousser.
La cité de Kuttenberg est donc plus ou moins animée en fonction de l'heure. Il est plus facile de cambrioler les boutiques durant la nuit, quand seuls quelques gardes patrouillent les rues. Mais cela ne se limite pas à ça, puisqu'en tant que ville minière, Kuttenberg repose sur des vieilles galeries de mine menant aux caves de certains bâtiments. Au moins, ce ne sont pas des égouts médiévaux. C'est toujours un réel plaisir d'explorer et de découvrir tous les secrets dont recèle la carte. On peut visiter les bois à la recherche de camps de bandits et de trésors enterrés, ou explorer châteaux et villages pour ne pas avoir à chercher loin pour trouver du butin. Presque tous les bâtiments rencontrés peuvent être explorés.
Mais la vie de criminel est difficile. Il ne suffit pas d'échapper aux regards, les gardes sont méfiants et ils n'hésitent pas à interroger la nouvelle tête qu'est Henry pour vérifier le contenu de ses sacs, après un vol dans le secteur. Ils peuvent même vous considérer comme coupable après avoir simplement été aperçu dans la zone. Les objets volés ne peuvent pas non plus être juste être équipés ou revendus, sous peine de finir au pilori. Ces différents systèmes ont été enrichis, avec la possibilité de revendre des chevaux volés et celle de finir tout simple pendu haut et court après un crime. La prison n'est plus la seule peine vous attendant. En contrepartie, Henry peut à présent lancer des cailloux pour distraite les PNJ. Leur faire tourner le dos est idéal pour leur planter un couteau dans le cou, même si cela rend l'infiltration encore plus triviale.
Tout cela s'accompagne de différentes améliorations apportées à l'interface et aux systèmes du jeu. C'est globalement plus agréable que dans KCD1, mais on reste bien loin des standards habituels. On apprécie néanmoins les progrès réalisés, surtout dans le domaine de la qualité de vie en général. Un des exemples les plus notables est la possibilité d'enregistrer jusqu'à trois tenues différentes, ce qui permet de passer rapidement de l'une à l'autre en fonction de ses activités. Être en armure lourde sur le champ de bataille est presque obligatoire, mais en ville, il vaut mieux être habillé richement pour montrer son statut et impressionner les marchands. D'une simple pression de touche, on passe ensuite à une tenue légère, silencieux et sombre pour se livrer à des activités illégales. Si seulement le jeu pouvait arrêter de nous mettre à poil durant les quêtes, ce qui écrase notre tenue sauvegardée pa r défaut.
Délivré trop tôt
Kingdom Come Deliverance 2 est un de ces jeux proposant une aventure de plus de cent heures, rien qu'en prenant le temps de réaliser ses nombreuses quêtes secondaires. Et il faut bien dire qu'elles méritent le détour. Explorer chaque recoin des deux cartes ajoute probablement quelques dizaines d'heures au compteur. Néanmoins, comme mentionné plus haut, une fois le gameplay bien pris en main, la difficulté s'effondre rapidement. Il est toujours impossible de sauvegarder à volonté et se soigner en combat, et on est censé devoir gérer la faim et le sommeil. Mais en pratique, on se retrouve rapidement avec assez de schnaps du sauveur et de consommables pour ignorer complètement ces limitations.
Quant à Henry, une fois qu'un bon ensemble d'armures a été trouvé, il se transforme en véritable tank et ses adversaires ne peuvent pas faire grand-chose contre lui si vous faites bon usage des coups de maître. Fournir davantage de canons à main à l'ennemi ainsi qu'un arsenal plus polyvalent aurait pu être une solution pour tenter d'y remédier. L'IA a aussi beaucoup de mal à suivre, surtout durant la nuit, ce qui n'arrange rien. Dans la même veine, on peut théoriquement se battre à dos de cheval, mais cela n'est jamais requis, ni même encouragé. On attendait que le jeu mette en scène au moins charge de cavalerie, mais on l'ajoute à la liste des opportunités manquées. Si c'est ce que vous cherchiez, retournez sur Mount & Blade.
Absolument aucun ennemi du jeu ne s'avère capable de se battre à cheval, ce qui est une grande déception, alors les armes d'hast ont enfin été intégrées aux compétences. Le pire est probablement l'absence du mode Extrême/Hardcore, pourtant présent et très populaire dans le jeu précédent. C'est indéniablement le plus gros reproche qu'on puisse faire à cette suite. De nombreux fans de la licence risquent d'être déçus. Warhorse Studios a déjà annoncé dans sa roadmap que ce mode de difficulté et d'autres ajouts notables sont prévus lors des mises à jour gratuites à venir dans les prochains mois. Cela montre qu'ils sont conscients du problème, mais d'ici là, on ne peut que faire preuve de patience.
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