Après avoir développé Mordheim: City of the Damned, un jeu intéressant, mais bancal, puis le désastreux Necromunda: Underhive Wars, le studio Rogue Factor semble s'être dit que les jeux tactiques ne sont pas faits pour lui. Hell is Us est à la fois bien plus ambitieux, ainsi que d'un tout autre genre, voire d'autres genres au pluriel, puisqu'il prend le risque d'associer un Action-RPG avec de l'exploration et de la résolution d'énigmes poussées. Comme nous l'a une fois de plus montré Mafia: The Old Country il y a quelques semaines, trouver les moyens de faire fonctionner un tel équilibre n'est pas à la portée de tout le monde.
- Genre : Action-RPG, Troisième personne, Exploration et résolution d'énigmes
- Date de sortie : 4 septembre 2025, 1er septembre pour l'accès anticipé payant
- Plateformes : PC, Xbox Series, PS5
- Développeur : Rogue Factor
- Éditeur : Nacon
- Prix : 49,99 €, 69,99 € pour la version Deluxe
- Testé sur : PC
Rémi sans famille
Le scénario de Hell is Us démarre dans les années 90, avec un point de départ similaire à Usual Suspects ou Persona 5, en bien moins sexy : une salle d'interrogatoire face à un agent à la morphologie grotesque. Notre protagoniste nommé Rémi qui est "sociopathe fonctionnel" de son état, confesse les exploits ayant mené à cette situation inconfortable, sous l'emprise d'un sérum de vérité agressif. Il y a quelques décennies, lorsqu'il n'avait que cinq ans, ses parents l'ont aidé à sortir d'Héida, un pays fictif où il fait bon vivre, puisqu'il ressemble à un croisement entre l'ex-Yougoslavie et la Corée du Nord.
Comme ses parents lui ont bien dit de ne jamais revenir, lorsqu'une violente guerre civile éclate, il passe la frontière en tant que Casque bleu envoyé pour intervenir. Il s'empresse alors de déserter pour retrouver ses parents et trouver des réponses à ses questions, mais la situation prend rapidement une tournure surnaturelle. Des créatures lymbiques insensibles aux armes conventionnelles émergent et massacrent tous ceux qu'elles croisent. Sauvé in extremis d'un de ces monstres, par un agent qui perd la vie durant le combat, Rémi s'empare de son équipement pour survivre : une arme étrange ainsi qu'un drone high tech ouvertement anachronique.
La recherche de sa famille l'amène à enquêter sur cette calamité et sur la manière de l'arrêter, avec une tournure ne manquant pas de faire penser à Da Vinci Code et à Indiana Jones et le Cercle Ancien pour la partie enquête, mais avec un ton bien plus grave. En effet, les deux communautés ethno-religieuses d'Héida se livrent mutuellement à de nombreuses atrocités et à un nettoyage ethnique en règle. Sur ce point, Hell is us n'hésite pas à nous placer au premier rang. Les magnifiques paysages sont gâchés par des fosses communes, des incendies et des cadavres, dont ceux d'enfants, jonchant les rues.
C'était pas ma guerre
Les différents personnages des deux auxquels on s'adresse partagent leur souffrance ainsi que leur haine mutuelle de l'autre groupe, tout en soulignant à quel point des gens a priori normaux peuvent se livrer à des atrocités si le contexte s'y prête. C'est assez inhabituel pour être souligné, mais on peut apercevoir des enfants en sang et d'autres auquel il manque un bras. Il a été coupé par les opposants "pour l'empêcher de voter et de se battre". Autant dire que ce n'est pas pour les âmes sensibles.
Devoir explorer un village dévasté en supportant la propagande raciste, mais pourtant familière déversée en boucle par les hauts parleurs, était difficile. Tous ces éléments sont les plus réussis de Hell is Us et ils justifient sans le moindre doute son titre. Les graphismes de qualité, en particulier pour les visages et les décors, renforcent à la fois le réalisme et l'immersion dans ce domaine. Le doublage français y contribue aussi, excepté pour Rémi, dont la voix, dépourvue d'émotion et d'intonations, reflète peut-être sa sociopathie.
On pourrait penser à This War of Mine avec ses dénonciations de la guerre, mais l'implication et le rôle de Rémi est autre. C'est en apparence étrange, puisqu'aucune des factions ne s'en prendra à lui. Il est libre d'éliminer les créatures de la calamité et d'enquêter pendant que les combattants et les civils s'étripent. On ne peut pas affronter d'êtres humains et sa participation se limite à aider les survivants en leur apportant différents objets ou en leur rendant des services pacifiques. Si un prêtre se fait torturer en place publique ou qu'un groupe de soldats vous annonce clairement qu'il est sur le point de tuer tous les résidents d'un quartier avant de violer leurs femmes, ce n'est pas votre problème. Même si elle est justifiée, cette inaction forcée risque aussi de fortement déplaire et de frustrer, pour des raisons compréhensibles.
Un Souls-like de plus ?
Après l'inaction, passons à l'action avec le gameplay. Au premier abord, Hell is Us peut passer pour un Souls-like, avec l'habituelle combinaison d'une barre de vie, d'une barre d'endurance et d'une barre d'énergie. On peut attaquer rapidement, charger ses attaques, utiliser différentes capacités similaires à des sorts, esquiver, bloquer et même parer. Vous ne devriez pas être perdus si vous avez touché à un jeu du genre dans votre vie. L'aventure commence avec une épée longue, mais différentes armes sont rapidement ajoutées à l'arsenal, comme des haches doubles, une grande épée et une arme d'hast, chacune avec ses spécificités en termes de vitesse, de blocage et de dégâts.
Il est possible d'en équiper jusqu'à deux à la fois et de passer de l'une à l'autre en fonction des besoins. Cela ne suffit malheureusement pas à compenser l'extrême pauvreté des mouvements de Rémi. L'équilibrage des armes semble assez douteux aussi, puisqu'on affronte régulièrement un grand nombre d'ennemis et que les coups manquent sérieusement d'impact. Les armes rapides nous ont parues bien plus appropriées dans ce contexte, comme cela permet aussi de parer et surtout, de se soigner plus rapidement. C'est un choix étonnant, mais il n'y a pas d'objets de soin récupérables, ni même d'équivalent aux feux de camps d'ailleurs. À la place, des magnétophones volants servent de points de sauvegarde et Rémi se soigne en attaquant l'ennemi avant d'activer sa vague de soin au bon moment.
Mentionnons aussi que la taille de la barre d'endurance est liée à celle de votre barre de vie. Si vous êtes blessés, voire sur le point de mourir, la moindre esquive vous épuisera, ce qui condamne généralement à mort. L'inverse est aussi vrai, dominer l'ennemi permet de se soigner à l'infini tout en ayant de l'endurance à revendre. Ce système a tendance à donner des résultats extrêmes, soit on meurt en deux secondes après avoir été stun lock par un groupe de créatures, soit on roule sur tout ce qu'on rencontre. C'est souvent le second cas qui se présente, puisque le bestiaire est d'une pauvreté accablante. Il n'y a que cinq types de créatures lymbiques, les bestioles blanches et étranges des images du jeu. Mais elles sont fréquemment liées à des boules d'émotion brutes comme la rage, la tristesse, l'extase et le chagrin, qui les rendent immortelles. Elles ressemblent à des kaléidoscopes pris de pulsions meurtrières.
Il faut battre la boule en premier lieu, pour la forcer à se réfugier dans les créatures. Vous disposez alors de quelques secondes pour éliminer son ou ses hâtes, pour battre définitivement vos adversaires. Le drone qui vous accompagne facilite la procédure, puisqu'il peut étourdir une créature pendant que vous gérez les particules tueuses. Le type, la puissance de ces boules d'émotions et la façon dont elles se combinent à un groupe de créature est la principale source de variété lors des combats, autant dire qu'on tombe vite dans la routine, d'autant qu'il n'y a tout simplement pas de boss dans Hell is Us. Dans le meilleur des cas, vous ferez face à une combinaison particulièrement retorses de boules et de créatures, mais c'est tout.
C'est assez surprenant, puisque le studio semble s'être donné beaucoup de mal pour compléter les capacités de Rémi. Le drone peut être équipé de toute une gamme de modules divers et variés, allant de la charge à l'attaque sautée, en passant par le tourbillon frénétiques et les boucliers. De leur côté, les armes gagnent de l'expérience (contrairement à vous) ce qui améliore leurs performances. Elles peuvent ensuite être améliorées et être dédiées non pas à une divinité du Chaos, mais à une des fameuses émotions.
En plus d'altérer leur apparence d'une manière spectaculaire, cela leur donne aussi accès aux glyphes correspondants. Par exemple, les haches de la rage peuvent lancer des boules de feu ou entrainer Rémi dans une frénésie sanguinaire, l'immunisant aux étourdissements, mais la grande épée de la terreur va émettre une grande zone de terreur capable de paralyser les créatures. Ajoutez à tout ça du matériel défensif avec des bonus passifs puissants, ainsi que différentes reliques, et on peut significativement altérer son style de feu, même si cela se limite généralement à spammer le même combo d'attaques basiques.
Ajoutez à tout ça du matériel défensif avec des bonus passifs puissants, ainsi que différentes reliques, et on peut significativement altérer son style de feu, même si cela se limite généralement à spammer le même combo d'attaques basiques contre la petite poignée d'ennemis existants. C'est à ce point qu'on aborde l'autre facette majeure du gameplay de Hell is Us : l'exploration et la résolution d'énigmes. Elles devraient occuper environ 50 % du temps en théorie, mais tourner en rond et chercher désespérément ce qu'on a raté pour résoudre un puzzle englouti rapidement la majorité du temps de jeu, même en rehaussant la difficulté.
Souffrance, rage et chagrin, mais pas d'extase
En termes d'inspiration, cela nous a méchamment fait penser à du Resident Evil, en bien plus difficile. L'interface et les éléments visuels sont les mêmes et on pourrait jurer qu'il en va de même pour les effets sonores. On passe son temps à chercher des clés, des indices et des objets utilisés pour activer les étranges mécanismes moyenâgeux derrière lesquels les secrets d'Heida se cachent.
N'espérez d'ailleurs pas recevoir un coup de main de la part du jeu, aucun objectif n'est listé à l'écran, il n'y a pas de carte ni de marqueurs. Rémi dispose d'une boussole et d'une tablette rassemblant tous les éléments découverts, avec quelques grandes lignes directrices. Sur ce point, l'approche est semblable à celle de The Outer Wilds. C'est à vous de faire attention et de repérer les indices et les informations dont vous avez besoin, personne ne viendra vous souffler un indice.
Ce qui est regrettable est que Hell is Us est bien loin de disposer de la même élégance dans la conception de ses énigmes et dans les fonctionnalités offertes par l'interface. Vous serez régulièrement bloqués par des portes et des coffres requérant des clés ou des codes bien spécifiques sur lesquels vous ne mettre pas la main avant des heures, voire des dizaines d'heures, dans une tout autre région.
En effet, l'aventure ne se déroule pas sur une carte unique, mais dans une dizaine de régions distinctes entre lesquelles on voyage dans un véhicule blindé, pour suivre les étapes de l'enquête. L'absence d'indice et d'indications fait qu'on se retrouve constamment à retourner dans les régions précédentes pour tenter de retrouver les portes auparavant infranchissables, dans l'espoir que cela ne soit plus le cas. Mais c'est impossible de le savoir, à moins de faire comme dans un Point & Clic à l'ancienne : tenter de donner tous les objets à tout le monde et tester toutes les clés dans la serrure.
L'interface de la tablette n'est absolument pas adaptée à la chose et on perd de longues minutes à tenter de retrouver un obscur document administratif susceptible de mentionner un code. Pouvoir associer les objets aux différents mystères dans l'interface et les épingler à l'écran aurait été plus que bienvenue. À la place, il faut littéralement se contenter de la barre d'objets utilisables de Dark Souls pour sortir sa boussole ou consulter post-it qu'on a placé à l'intérieur, les très rares fois ou c'est possible. À moins de prendre ses propres screenshots de chaque énigme et mécanisme lorsqu'on les rencontre et de sortir un bloc pour noter soi-même les indices découverts, la progression devient extrêmement laborieuse.
En conclusion
En résumé, Hell is Us est loin d'être capable de concurrencer la pléthore de jeu du genre Souls-like ou Action-RPG en général, sortis ces dernières années. En termes de gameplay pur, il est terriblement pauvre et répétitif, même s'il a quelques idées intéressantes qui traînent ici et là. L'exploration et la grosse phase d'enquête dédiée aux mystères d'Heida est-ce qu'on pourrait considérer être comme le véritable cœur de l'expérience, mais de notre point de vue, cet aspect du jeu n'a pas été suffisamment bien élaboré pour attirer et satisfaire les adeptes du genre. Il y a bien quelques énigmes bien pensées, qu'il est satisfaisant de résoudre, mais se battre avec l'interface et enchaîner de longs allers-retour sans voyage rapide est frustrant lorsqu'on n'a pas anticipé l'ineptie complète de Hell is Us dans ce domaine en prenant ses propres notes dès la première heure. Prévoyez entre 15 et 30 heures de jeu pour en venir à bout en moyenne.
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