Vampire: The Masquerade - Bloodlines premier du nom date de 2004 et ses fans ont passé une bonne partie de ces deux décennies à désespérer devant les déboires du développement de Vampire The Masquerade Bloodlines 2. Il a eu droit à la totale, aux reports en chaîne, annulation, reprise du projet, changement du studio et même une polémique sur des DLC abusifs avant sa sortie, pour faire bonne mesure. S'il y a bien une chose que les jeux au développement difficiles nous ont appris, c'est que le résultat est rarement à la hauteur des difficultés de sa conception, c'est même plutôt l'inverse.
- Genres : Action-RPG, Première personne, Narratif, Monde ouvert
- Date de sortie : 21 octobre 2025
- Plateformes : PC, PS5, Xbox Series
- Développeur : The Chinese Room
- Éditeur : Paradox Interactive
- Prix : 59,99 €
- Testé sur : PC
Au pieu papy !
Contrairement à son prédécesseur qui se présentait comme un RPG en 3D offrant une grande liberté au joueur, du moins, en termes de création de personnage, Bloodlines 2 s'avère bien plus restrictif. On y incarne pas un jeune vampire fraîchement embrassé, mais quelque chose de rarement joué sur table, un ancien et pas n'importe lequel. Phyre, alias le Nomade est une légende du monde des vampires, vieux de 400 ans, dont le sexe et le clan sont à définir, doit sa renommée à sa présence lors de différents événements historiques. Il ou elle se réveille brutalement à Seattle après une petite sieste d'un siècle dans une boite.
Comme un lendemain typique de fête trop arrosée, Phyre ignore comment il a fini là, pourquoi ses pouvoirs sont limités par une étrange marque sur sa main ou même les raisons de la présence d'un détective vampire trop bavard dans sa tête. Plus grave encore, il n'a pas encore entendu parler de Tik Tok et on sait déjà que le sang va couler. On ne va prétendre être des experts du lore de Vampire The Masquerade, mais pour ce qu'on en sait et qu'on a pu en vérifier, Bloodlines 2 semble très fidèle à son univers ainsi qu'aux événements récents de la dernière édition. À travers sa narration, il dépeint en détails la société particulière des vampires, avec sa multitude de drames, de complots et de politique.
Les nouveaux venus risquent d'être un peu perdus au départ, malgré l'inclusion d'un codex. Sa structure est parfois difficile à suivre aussi, avec un flashback d'une première époque dans un flashback seconde époque dans une vision, elle même dans un rêve. Au moins, le dépaysement est au rendez-vous, puisqu'on est loin des vampires à paillettes qui brillent au soleil et même les scènes les plus sordides font à peine cligner de l’œil notre protagoniste schizophrène.
Sans trop en dire sur l'histoire, elle nous a semblé convaincante et pleine de surprises, ce qui est assez rare pour le souligner. Les nombreux vampires présents au casting ont plein de personnalité, tout en incarnant bien les stéréotypes, ou plutôt l'influence, de leur clan respectif. L'aspect narratif de Bloodlines 2 est incontestablement son point fort. Les visages sont assez soignés, avec un jeu d'acteur et un doublage en anglais réussi. Le seul point noir tient dans les traduction françaises, qui semblent avoir manqué de contexte par moment, ce qui donne des tournures de phase inexacte ou étranges à l'occasion. Cela se remarque, mais ce n'est heureusement pas à un niveau ou cela devient problématique.
Mais quelle est cette diablerie ?
Une fois l'introduction du jeu passée, on est libres de choisir le clan d'origine de Phyre, qui est sujet à des limitations, puisque son apparence est quasiment fixe. Le Nomade peut être un rebelle Brujah, un noble Ventrue ou un renégat Lasombra par exemple, parmi les six clans proposés, mais pas un Nosferatu par exemple. L'histoire propose quelques dialogues spécifiques à votre clan lors des dialogues, ainsi que différents choix en général, mais pas au point de pouvoir la dérailler avant de déterminer quelle sera la conclusion de l'histoire. Au final, cela va surtout déterminer le gameplay initial de votre protagoniste lors des combats, en privilégiant plus ou moins l'approche direct qu'est un coup de poing dans les dents, la magie du sang ou la discrétion. Tout ça en sachant qu'il est possible d'acquérir les compétences d'autres clans en trouvant un professeur et en buvant un peu de leur sang en toute amitié.
Le gameplay en lui-même est simple mais efficace. En tant qu'ancien vampire, Phyre est une force de la nature capable de projeter les êtres humains dans un nouveau monde d'un seul coup de poing. Les balles d'armes automatiques picotent, il peut grimper les immeubles avant de planer de l'un à l'autre, sa maîtrise de la télékinésie dépasse celle de Darth Vader et il débloque rapidement différents pouvoirs permettant de gagner un combat face à une dizaine de goules ou de vampire au sang clair. Il faut reconnaître que ce sentiment de puissance est agréable, surtout au départ, même cela manque un peu de profondeur.
Il n'y a que quelques variations dans les coups en mêlée, en fonction de vos mouvements et la poignée de pouvoirs équipés sont déterminants. L'aspect original est qu'ils sont rechargés en buvant le sang des êtres humains ou d'autres vampires affaiblis durant les combats et que pour une fois, on est pas invincible durant l'animation d'exécution, ce qui demande de faire un peu attention quand on l'utilise. Tout cela se recent lors des rares combats de boss, puisqu'ils sont très simples avec les bons pouvoirs. Heureusement, The Chinese Room a eu la bonne idée d'introduire des mécanismes spéciaux pour en faire autre chose que de simples punching bags.
Le côté infiltration est encore plus superficiel, puisque cela se limite à approcher les ennemis par derrière avant de les drainer ou d'utiliser un de ses pouvoirs spéciaux. Le pacifisme n'est pas une option et les dialogues sont réservés à l'histoire principale et aux quêtes. Il est d'ailleurs assez décevant qu'aucun pouvoir ne soit utilisable lors des dialogues, pour manipuler ou dominer son interlocuteur. Cet aspect du gameplay est réservé aux flashback de notre ami, le détective vampire Malkavien, qui est capable de manipuler les souvenirs et la perception de ses interlocuteurs. Il est très amusant de le voir discuter avec une armoire de rangement ou un chat mort, mais cela reste globalement très dirigiste. Bloodlines 2 peut être considéré comme un jeu divisé entre son aspect narratif et son gameplay de type action à la première personne, plutôt qu'un jeu de role conventionnel.
Entretien du vampire
La majeure partie de votre temps sera passée à courir d'un bout à l'autre du petit centre ville de Seattle dans Bloodlines 2. La marque empêche Phyre de s'en éloigner et tout indique que le studio l'a davantage incorporé sous la forme d'un mini monde ouvert, qui relève quasiment du "Hub world" à la Deux Ex Mankind Divided pour répondre aux exigences du cahier des charges, plutôt que comme un élément bien pensé du game design.
Un bon indicateur est le fait que notre histoire se déroule à l'approche de Noël et que des chutes de neige exceptionnelles empêchent les véhicules de circuler. Du moins, c'est l'excuse derrière l'absence total de véhicule en mouvement en jeu. En revanche, on ne s'attendait pas à ce que la population des ruelles sombres déborde autant au milieu de la nuit lorsque la température est négative et que des hordes de vampires téméraires sautent sur tout ce qui a un pouls. Dans ce contexte, préserver la Mascarade est étrangement difficile, puisque l'indicateur censé nous aider à déterminer s'il y a des témoins dans la zone n'ignore pas la victime qu'on vient d'attirer d'une manière ou l'autre dans un zone isolée. Seattle doit aussi avoir de nombreux vampires incognitos, puisque tous les humains sont capables de vous voir faire preuve d'un peu trop de passion mordante, à plusieurs dizaines de mètres, dans le noir.
Violer la Mascarade est un peu comme les étoiles de recherche, dans GTA et ça peut être encore plus vite oublié, mais atteindre l'indice de recherche maximum donne lieu à une exécution instantanée. Le problème avec tout ça est que le système de déblocage des compétence demande d'attirer des dizaines et des dizaines d'humains aux émotions diverses à l'abri des regards pour boire leur sang. C'est à la fois extrêmement long et répétitif, mais aussi très frustrant à cause de toutes les raisons listées plus haut. On s'en serait vraiment passé. Avoir des dialogues un peu plus riches avec quelques personnages bien pensés aurait été plus intéressant que de passer la moitié de son temps à jouer au crossover entre Farming simulator et Grand Theft Auto.
Bien qu'il dispose d'une ambiance agréable et d'une direction artistique réussie, les autres éléments du monde ouvert sont tout aussi décevants. On a droit aux habituels collectibles, ainsi qu'à quelques quêtes annexes complètement dénuées d'intérêt, voire littéralement de type "Fex ex" puisqu'on vous demandera simplement de chercher et de ramener un paquet à une petite vieille, sans que rien de notable n'ait eu lieu. Au temps pour le vampire légendaire. Il est possible d'ignorer ces activités en renonçant à débloquer d'autres pouvoirs, ce qui vous privera aussi des interactions avec les professeurs vampires.
Mais il y a une chose à laquelle on ne peut pas couper, ce sont les allers retours incessants d'un bout à l'autre du quartier. Il n'est pas très grand, mais ils sont si nombreux que cela en devient pénible et de nombreuses étapes semblent complètement inutiles. Il n'y a pas de voyage rapide en prime. Lors des phases de Flashback de Fabien le détective, il est possible d'accélérer ses déplacements et le passage du temps ce qui évite de devenir complètement fou, mais tenter de sprinter sérieusement avec Phyre déclenche rapidement des sirènes d'alarme. Bloodlines 2 aurait certainement été un jeu bien plus court, mais aussi plus intense et agréable, s'il s'était concentré sur une narration linéaire sans avoir besoin de s'encombrer d'un monde ouvert mal pensé. Après Mafia The Old Country, sorti il y a quelques mois, il semble être une autre victime de la fascination aussi malvenue qu'autodestructrice pour les mondes ouverts.



























