Condensé de références multiples : cinématographiques, littéraires, ludiques... le jeu vidéo est un objet culturel à part entière. L'objet de ce dossier est une oeuvre qui a très fortement influencé l'art vidéoludique: celle d'Howard Phillips Lovecraft. Les divers hommages à l'oeuvre littéraire seront abordés, mais également les adaptations cinématographiques, vidéoludiques et rôlistiques. Cependant, l'influence de l'auteur étant considérable, cet article n'est pas exhaustif, mais traite seulement des oeuvres majeures. L'oeuvre de Lovecraft étant très riche, toutes les interprétations de l'oeuvre de l'auteur ne seront pas abordées. Pour en savoir plus, vous pourrez vous reporter aux abondants ouvrages et documentaires traitant du sujet.
Howard Phillips Lovecraft
Howard Philips Lovecraft naît en l'an 1890 dans la ville de Providence, située dans le Rhode Island. Alors qu'il est seulement âgé de trois ans, son père, atteint de syphilis, est victime d'une crise de démence. Interné au Butler Hospital de Providence, il n'en sortira jamais. Il est alors élevé par sa mère et ses tantes. Son grand-père est l'unique figure paternelle de son enfance, il l'initie à la lecture et lui fait découvrir les mythes et légendes. Sa bibliothèque contient les ouvrages d'Ann Radcliffe et de l'école gothique anglaise. À l'âge de cinq ans, le jeune Howard déclare s'être converti à l'Islam et se nommer Abdul Alhazred après avoir lu les Mille et une Nuits. Un an plus tard, il rédige sa première fiction : la petite bouteille de verre.
L'adolescent est élevé dans la plus pure tradition WASP (White anglo-saxon protestant) par sa mère et ses tantes, ultra conservatrices. Son éducation et ses lectures d'ouvrages d'anthropologie expliquent le racisme exacerbé qui se manifestera dans son oeuvre. Sa passion pour l'astronomie influencera également ses écrits. Il observe les étoiles depuis qu'il a treize ans et rédige régulièrement des chroniques astronomiques dans des gazettes privées.
À dix-huit ans, affligé par son passage à l'âge adulte, il abandonne ses études et sombre dans une profonde léthargie. Pendant cinq longues années, il vit reclus, ne s'adresse qu'à sa mère, dors la journée et vagabonde la nuit en robe de chambre. Ayant perdu toutes ses illusions, il devient matérialiste et athée. En 1918, il écrira « tout rationalisme tend à minimiser la valeur et l'importance de la vie, et à diminuer la quantité totale de bonheur humain. Dans bien des cas, la vérité peut causer le suicide, ou déterminer une dépression presque suicidaire ». Ce pessimisme matérialiste transparaît dans toute son oeuvre. Durant cette période, il lira toutes les oeuvres de Jules Verne, H.G Wells et Edgar Rice Burroughs. Il se plongera également dans la lecture intensive de « pulps magazines ».
En 1913, il reprend peu à peu une vie normale et écrit des nouvelles et articles pour des fanzines. Six ans plus tard, sa mère, souffrant de troubles mentaux, est internée dans le même hôpital que son défunt époux et y décédera, comme lui. La folie, omniprésente dans les nouvelles, faisait partie intégrante de sa vie depuis l'enfance. Il cherche alors un emploi en rapport avec ses compétences. Il devient alors correcteur d'articles de presse et à de nombreuses occasions « nègre littéraire ». Il découvre Lord Dunsany grâce à son roman Time and the gods, il aura une grande influence dans la construction du mythe de Cthulhu. Il commence alors à voyager pour ses travaux journalistiques. Il le fera ensuite par goût et se passionnera pour l'architecture et la géométrie. Au cours de ses voyages, il rencontre entre autres Harry Houdini, Robert Bloch (l'auteur de psychose), Robert E. Howard (l'auteur de Conan le barbare) et Clark Ashton Smith.
En 1921, il rencontre son épouse Sonia Greene lors d'un congrès de journalistes amateurs et se sépare d'elle deux ans plus tard pour retourner vivre avec ses tantes. Comme Poe qui l'influença, il mourra pauvre et inconnu du public. Il décède des suites d'un cancer de l'intestin en 1937.
Le mythe de Cthulhu
« N'est pas mort ce qui dort à jamais, et au cours des siècles peut mourir même la Mort. »
Qu'est-ce qu'un mythe?
« On sait, en effet, que les mythes se transforment. Les transformations qui s'opèrent d'une variante à une autre d'un même mythe, d'un mythe à un autre mythe, d'une société à une autre société pour les mêmes mythes ou pour des mythes différents, affectent tantôt l'armature, tantôt le code, tantôt le code, tantôt le message du mythe, mais sans que celui-ci ne cesse 'dexister comme tel; elles respectent ainsi une sorte de principe de conservation de la matière mythique, aux termes duquel de tout mythe pourrait toujours sortir un autre mythe. »
Un mythe est donc un récit expliquant un ensemble d'éléments fondateurs d'une société ou de l'univers. H.P. Lovecraft n'a jamais qualifié de mythe sa création. C'est son ami et fan August Derleth qui le prononça la première fois. Il rédige trente-quatre nouvelles et un roman enrichissant la cosmogonie imaginée par Lovecraft, il pouvait alors légitimement parler du mythe de Cthulhu. Mais il n'est pas le seul... Frank Belknap Long, Robert E. Howard, Clark Ashton Smith, Robert Bloch et bien d'autres contribueront en rédigeant des centaines de nouvelles et de romans. Féru d'anthropologie, Lovecraft réussit le tour de force de créer un mythe expliquant à la fois l'origine de notre univers et tous les autres mythes, parfaitement plausible...
Une mythologie universelle
Au commencement, les Anciens Dieux créèrent les Grands anciens. Cthulhu, Dagon, Azathoth, Nyarlathotep, Yog-Sothoth, Shub-Niggurath, Tsathoggua, Hastur et Yig sont leurs noms. Des millions d'années avant la naissance de l'Homme, les Grands Anciens affrontèrent Ceux-de-la-Grande-Race dans une guerre terrible. Ceux-de-la-Grande-Race se réfugièrent dans le corps des insectes, seules créatures qui survivront au retour des Grands Anciens dans un lointain futur. Avides de pouvoir, les Grands Anciens traversèrent les dimensions pour affronter leurs créateurs, les Anciens Dieux. Échouant, ils furent alors bannis dans des dimensions parallèles ou au fond des mers ou dans les entrailles de la Terre. Bannis, mais pas totalement morts, car ils préparent leur retour sur Terre. Ils sont capables de provoquer des rêves pour contrôler certains humains. Les créatures fantastiques, comme le yéti, les vampires ou autres sorciers sont le résultat de leur copulation avec des humains. Les cultes divers et les sociétés secrètes, comme le vaudou par exemple, sont la source de leur puissance. Tout est réel, consigné dans le Nécronomicon, rédigé par l'arabe dément Al Alhazred, dont l'un des exemplaires est conservé dans la bibliothèque de l'Université Miskatonic d'Arkham (Le nom de l'asile psychiatrique de Gotham City provient bien de là). Même le prix Nobel de littérature Jorgès Luis Borgès en découvrit un exemplaire à la bibliothèque de Buenos Aires. Leurs esclaves sur Terre, les shoggoths, obéissent à leurs ordres les plus immondes et les plus innommables.
« Weird tales »
De son vivant, Lovecraft publia quatre nouvelles dans le pulp « Weird Tales ». À sa mort, son ami August Derleth créera la maison d'édition Arkham House pour publier enfin les textes de Lovecraft. En France, c'est l'énigmatique Jacques Bergier qui le rendra populaire. Ingénieur chimiste, écrivain spécialiste de l'occultisme et du paranormal et surtout espion qui inspira James Bond à Ian Fleming, Bergier a largement contribué à la grande popularité de Lovecraft en France, en traduisant ses nouvelles.
Liste des nouvelles du mythe de Cthulhu (par ordre chronologique)
Dagon
Nyarlathotep
La cité sans nom
Le molosse
Azathoth
Le festival
Le descendant
L'appel de Cthulhu
L'étrange maison haute dans la brume
La couleur tombée du ciel
L'affaire Charles Dexter Ward
L'abomination de Dunwich
Celui qui chuchotait dans les ténèbres
Les montagnes hallucinées
Le cauchemar d'Innsmouth
La maison de la sorcière
Le monstre sur le seuil
Dans l'abîme du temps
Celui qui hantait les ténèbres
L'histoire du Nécronomicon