Dans les années 2000, alors que la culture vidéoludique s’imposait comme un phénomène mondial, un avocat venu de Floride fit de Grand Theft Auto son ennemi juré. John Bruce Thompson, plus connu sous le nom de Jack Thompson, voyait dans les jeux vidéo violents la source de tous les maux d’une société américaine en perte de repères. À une époque où la question de la violence virtuelle faisait encore débat, il devint l’un de ses détracteurs les plus médiatisés.
De la croisade morale à l’obsession médiatique
Avocat à Miami, Thompson s’était d’abord illustré par des campagnes contre le rap et la télévision violente avant de découvrir un nouveau bouc émissaire : les jeux vidéo. Dès 2003, il s’en prend frontalement à Rockstar Games et à son succès planétaire, GTA III, qu’il accuse d’inciter les jeunes à commettre des crimes. Lors d’une affaire tragique, celle du meurtre de Jolynn Mishne, il tente de lier le tueur au jeu de Rockstar, allant jusqu’à se proposer comme représentant légal à la fois de la victime et de l’accusé : une démarche jugée contraire à l’éthique et qui lui valut une première récusation.
Mais Thompson ne s’arrête pas là. Il poursuit en justice Take-Two Interactive, Sony, Valve et même les distributeurs comme Wal-Mart ou Best Buy, qu’il menace de sanctions financières s’ils continuent de vendre Grand Theft Auto. Ses déclarations outrancières (il promet notamment des « amendes qui tomberont comme des flocons de neige » sur ceux qui refuseraient d’obéir) lui assurent une visibilité constante dans les médias, mais entachent peu à peu sa crédibilité d’homme de loi.
Quand la justice met fin à la controverse
Malgré la virulence de ses attaques, Thompson ne remporte quasiment aucune bataille judiciaire. En 2007, ironie du sort, c’est Take-Two Interactive qui le poursuit pour tentative d’ingérence dans la sortie de GTA IV et Manhunt 2.
Les comportements agressifs de l'avocat à l’égard de ses confrères et ses lettres d’insultes aux juges achèvent de le discréditer. En 2008, le barreau de Floride prononce sa radiation définitive, rapidement suivie par l’interdiction d’exercer sur tout le territoire américain. Même la Cour Suprême refuse d’examiner son appel. Jack Thompson s’est vu également infliger une amende de 43 675,25 dollars. Depuis, l’ancien avocat a entamé une reconversion inattendue : il enseigne désormais l’éducation civique aux détenus de Floride, abordant avec eux l’histoire des États-Unis et les principes du droit constitutionnel.
Aujourd’hui, Jack Thompson demeure une figure paradoxale, celle d’un homme persuadé de défendre la morale, mais qui, incapable de reconnaître ses propres excès, a fini par incarner ce qu’il dénonçait : une perte totale de contrôle.








